éditorial
288 « écrivains » viennent
de signer une pétition contre le prêt gratuit. Auteurs et
éditeurs partent en guerre contre les bibliothèques et réclament
que 5 francs leur soient versés pour chaque titre emprunté
(dont la moitié pour la maison d’édition). 154 millions de
bouquins sortent tous les ans des rayons des quelque 2500 bibliothèques
municipales et universitaires, ce qui représente environ la moitié
des ventes de livres en France et donc potentiellement autant de fric à
grappiller. Certains auteurs ont déjà même interdit
aux bibliothèques de prêter leurs livres gratuitement comme
si les bibliothèques n’avaient déjà pas raquée
une fois pour l’acquisition de l’unique exemplaire d’un ouvrage qu’il faudrait
avoir au moins en double ou en triple pour répondre réellement
aux besoins des lecteurs.
Dans cette logique du profit, il va de soi
que le prêt gratuit relève d’une pratique d’un autre âge
qui n’a plus lieu d’être car pour ces courageux pétitionnaires
(dont Michel Ragon ou Maurice Rajsfus) « le droit d’auteur est un
droit de l’homme » qu’il convient de faire respecter. Alors que le
taux moyen d’inscription ne dépasse pas les 20 % de la population,
que la distribution des livres dans les zones rurales reste marginale,
et que de plus en plus de personnes n’ont même pas l’argent nécessaire
pour payer des livres dont le prix est exorbitant, pareille intention revient
à décourager définitivement les plus pauvres de la
lecture. D’ailleurs les bibliothécaires savent très bien
que chaque fois qu’un droit d’inscription est exigé, le nombre d’usagers
baisse sensiblement. Que des éditeurs veuillent instaurer le prêt
payant, cela ne nous étonne pas. Pour eux, l’important c’est que
les gens achètent et non qu’ils lisent. Mais les auteurs qui soutiennent
l’instauration de cette taxe sur la lecture feraient mieux, à la
rigueur, de s’attaquer à leur éditeur qui fait des
marges de bénéfices confortables. Pourtant, au-delà
de cette revendication minable des gens de lettres, il faut aussi s’interroger
sur le droit d’auteur en tant que tel.
Anarchistes, nous sommes en effet pour sa
suppression car il signifie explicitement que l’élaboration d’un
livre est l’œuvre d’une seule personne. Or, l’inspiration et la réflexion
ne surgissent pas ex-nihilo mais trouvent leurs sources dans la société
tout entière. Par conséquent chacun-e devrait toucher des
droits d’auteurs ! Et c’est déjà ce que pratiquent les Editions
du Monde libertaire notamment puisque les auteurs publiés ne reçoivent
pas un kopeck. Toutefois, nous savons qu’aujourd’hui les auteurs et l’ensemble
des intermittents du spectacle vivent, pour l’immense majorité,
dans la précarité. Aussi nous continuerons à les soutenir
dans leur combat pour l’amélioration de leurs conditions de vie.