Nicolas est né le 22 novembre 1934 à Londres, et il était toujours fier de pouvoir se situer dans une tradition familiale de gauche : son grand-père, Karl Walter, ami de Kropotkine et de Malatesta, fut en 1907 un des deux représentants anglais au Congrès anarchiste international d’Amsterdam, tandis que son autre grand-père, le journaliste S.K. Ratcliffe, fut l’une des grandes figures de la libre-pensée en Angleterre. Son père W. Grey Walter, un éminent neurologue, contribua à la presse de gauche et libertaire et se disait "anarchiste philosophique".
Après son service militaire (1952-1954),
qu’il passa presque entièrement en Allemagne et en Autriche et dont
il profita pour apprendre le russe, Nicolas a commencé ses activités
politiques dans le Parti ouvrier (Labour Party). Pendant ses études
à Oxford (1954-1957), il commence à participer aux mouvements
antimilitariste et libre-penseur. En 1959, il découvre l’anarchisme
en lisant une petite revue libertaire ("The University Libertarian"), dans
laquelle son grand-père avait publié des souvenirs sur Kropotkine.
Nicolas y participe et, en 1960-1961, en devient l’un des rédacteurs.
En 1960, il est l’un des fondateurs du Comité des 100 (contre la
bombe atomique) et en 1963 un des huit "Espions pour la paix". Ce groupe
(dont les membres restèrent anonymes) réussit en avril 1963
à pénétrer dans un des lieux que le gouvernement anglais
tenait secret en cas de guerre et il y photographia un grand nombre de
documents. Leur publication par le groupe causa un scandale et rendit publique
pour la première fois les préparatifs du gouvernement en
vue d’une guerre nucléaire. Bien qu’arrêté des dizaines
de fois lors de manifestations, Nicolas ne fut condamné qu’une fois,
à deux mois de prison ferme, pour avoir interrompu le Premier Ministre
Harold Wilson dans une église de Brighton, afin de protester contre
le soutien du gouvernement britannique aux Américains lors de la
guerre du Vietnam (1966-1967).
Nicolas Walter, en compagnie de Vernon
Richards
Mises à part ses activités
antimilitaristes, il participa dès le début des années
60 à la presse anarchiste et assura, sous son nom ou sous de nombreux
pseudonymes (Arthur et Anna Freeman, Jean Raison, Mary Lewis,
M.H., pour n’en mentionner que quelques-uns), une présence libertaire
dans la presse en général et de gauche. Il fit partie (1963-1965)
des rédacteurs de "Solidarity" (publié par un groupe d’amis
de Castoriadis qui s’orientaient de plus en plus vers l’anarchisme), de
"Resistance" (1965-1966), d’"Anarchy" (1971-1974), d’"Inside Story" (1974-1975),
de "Wildcat" (1975), du "New Humanist" (1975-1984), du "Raven" (1987-1989)
et bien sûr de "Freedom". Il a traduit et édité des
ouvrages d’Archinov, Bakounine, Alexandre Berkman, Diderot, Sébastien
Faure, Emma Goldman, Kropotkine, de La Boétie, Joseph Lane, Rudolf
Rocker, du marquis de Sade, de Shelley, de Charlotte Wilson…
Nicolas a commencé sa carrière professionnelle en 1957 comme instituteur, pour s’orienter bientôt vers le monde de l’édition et de la presse ; il a ainsi travaillé comme rédacteur du "Good Food Guide", pour l’Association des consommateurs (1963-1965), et du "Times Literary Supplement" (1968-1974). De 1975 à la date de sa retraite en novembre 1999, il occupa plusieurs fonctions pour la Rationalist Press Association, une des grandes organisations de la libre-pensée au Royaume-Uni. Des publications qu’il produisit pour cette organisation, il faut surtout retenir les livres "Blasphemy Ancient and Modern" (1990) et "Humanism : What’s in the Word" (1997).
Dès 1954, il s’était fait une spécialité des "lettres à la rédaction", adressées à la presse pour provoquer, commenter, compléter et surtout corriger (de nombreux rédacteurs le craignait comme un "casse-pied" qui savait toujours trouver la date, le chiffre ou la référence correctes). Depuis les années 60 pratiquement aucune semaine ne passait sans qu’une ou plusieurs lettres de Nicolas Walter ne paraissent dans le "Times", le "Guardian" ou l’"Independent"…
En 1974, on avait découvert qu’il était atteint d’un cancer testiculaire. Guéri de cette maladie après une radiothérapie, des opérations et des erreurs médicales l’ont condamné à la paralysie et, depuis 1993, il ne pouvait se déplacer qu’en fauteuil roulant. Contrairement aux conseils de beaucoup d’amis, il refusa de porter plainte contre le service de santé nationale car "cela coûterait de l’argent dont d’autres ont plus besoin que moi". Pendant des années, il souffrit de graves ennuis de santé. Au début de l’an 2000, la maladie s’étant déjà généralisée, les médecins diagnostiquèrent un cancer. Informé qu’il n’avait que six à douze mois à vivre, Nicolas se rendit à l’hôpital déterminé à survivre jusqu’en 2001, pour atteindre le nouveau millénaire. Il pensait qu’on le consulterait sur le traitement à suivre, mais le système médical ne fonctionne pas comme cela et un médecin responsable lui répondit : "Il faut avoir confiance en nous ! Nous sommes des médecins", suivi des platitudes habituelles sur l’éthique médicale. Il commença pourtant le traitement en bon cobaye humain mais, après quelques semaines, ses souffrances furent telles qu’il ne souhaitait plus que mourir. Quand il le dit à son médecin, en lui demandant de l’aider à mourir, celui-ci lui répondit que c’était encore trop tôt. Mais Nicolas avait pris sa décision et trois jours plus tard, le 7 mars 2000, il est mort à l’hôpital de Milton Keynes.