Luttes dans l’éducation en Seine-Maritime

Un bilan en demi teinte...

La méga manif à Paris du vendredi 24 mars aurait pu permettre, à un mouvement enseignant en Seine-Maritime donnant des signes d’essoufflement, de rebondir et de repartir de plus belle. Hélas, c’est le contraire qui s’est passé, pour cause de remaniement ministériel. En ce sens, on peut dire que le fusible Allègre a bien fonctionné. Tous ceux qui ne savaient plus que réclamer sa démission en sont restés orphelins. Pour autant, personne n’est vraiment dupe. On sait qu’on va nous resservir les mêmes plats, parce que bien sûr on nous avait mal expliqué le menu, et que la sauce était certes un peu piquante. On peut compter sur Lang, grand artiste du strass et des paillettes, pour nous la jouer écoutes, dialogues et pédagogie (qui rime bien avec démagogie) face à des représentants syndicaux encartés à la gauche plurielle et qui ne demandent que ça ! C’est malheureusement aussi une réalité de terrain, on sait tout cela mais l’attentisme prévaut… Toutefois, il est encore trop tôt pour tirer toutes les leçons de ce mouvement, car il n’est pas terminé, et si la grève est certes arrêtée quasiment partout, la lutte n’en continue pas moins… On se contentera donc pour l’instant d’un petit bilan d’étape.

Pour la première fois depuis longtemps, il y a enfin eu convergence des luttes entre les différents étages de l’Éducation nationale. Enseignant-e-s de maternelle ou de primaire, de collège ou de lycée (général ou professionnel), tous se sont retrouvés, par delà les revendications spécifiques à chaque degré, pour au final demander le retrait des chartes et affirmer avec force que l’école n’est pas une marchandise.

Ce qui est intéressant, c’est que le mouvement s’est construit autour d’AG décisionnelles regroupant syndiqué-e-s et non syndiqué-e-s, des secteurs géographiques pour le premier degré, d’établissements pour le second degré. Ces AG mandataient (plus ou moins selon les endroits, ce qui posait problème) des délégué-e-s qui ainsi formaient une coordination des écoles et établissements en lutte, à laquelle s’étaient joints des représentant-e-s lycéen-ne-s. Les syndicats, en tant que tels, étaient invités à y participer. Sur le tard, la coordination est devenue départementale. Il est certain que le fonctionnement de cette coordination n’était pas facile, car il oscillait entre comité de grève et donc d’enseignants grévistes, et AG de mandatés divers (grévistes mais aussi parents et lycéens). Il manquait certainement, du moins sur la ville de Rouen, d’AG regroupant tout le monde, ce qui a nui à la dynamique, chose qui s’est passée différemment sur Le Havre ou des AG regroupant plusieurs centaines de personnes avaient lieu quotidiennement, et on sait que ça a un effet positif sur « le moral des troupes » quand il y a du monde… C’est vrai aussi qu’il y avait en plus une énorme participation et implication des parents d’élèves, ce qui ne facilitait pas la structuration et alourdissait l’organisation, tout en permettant une meilleure popularisation du mouvement et la mise en place de beaucoup plus d’actions de toutes sortes.
 

Un rapport de force encore insuffisant

À propos de parents, il est clair que la FCPE a joué un rôle plutôt trouble, du moins au niveau national (avec un discours soutenant les réformes d’Allègre mais avec des moyens pour les appliquer), car sur le département beaucoup de comités de parents et d’enseignants étaient sur la même longueur d’onde. Quant aux syndicats, on a retrouvé le même hiatus entre les contre et les pour, sans oublier les mauvaises habitudes qui reprennent le dessus. On soutient officiellement mais on ne se donne pas les moyens pour, voire même on essaye de freiner des quatre fers. Avec en plus la recherche d’une unité syndicale à tout prix, et on sait dans ce cas là que les plus avancés reculent bien plus que ne s’avancent les mous. Du coup, on a eu le droit aux mêmes pratiques qu’en 95, des grèves reconductibles suivies par une grosse minorité, puis la lassitude aidant une plus faible minorité, avec des journées dites de temps fort. Ce n’est évidemment pas comme ça qu’on crée un rapport de force suffisant (le mouvement n’a jamais réussi à avoir une dynamique expansive) et les résultats obtenus par exemple sur la carte scolaire et les dotations horaires sont encore trop maigres.

C’est bien pour cette raison que ce n’est pas fini, et on reparle déjà, à l’initiative de la coordination havraise, d’organiser des « jeudis noirs », c’est à dire des grèves tous les jeudis pour maintenir la pression, et si ce n’est pas suffisant, de repartir en grève reconductible. Les parents ne baissent pas les bras non plus, et ils mènent encore de nombreuses actions (occupations, blocages, écoles ou collèges morts etc.). On verra donc après les vacances de printemps si ce mouvement tiendra ces promesses !

Éric Gava. — groupe de Rouen