Les sans-papiers réveillent l’université

Les vacances de Pâques ont provisoirement suspendu (selon les zones concernées), les actions des collectifs de défense des étudiant-e-s étranger-e-s… Les différents collectifs qui se sont organisés renvoient l’université à sa vocation d’universalité et non de subordination à la préfecture. Ces collectifs pourraient être le petit coup de fouet ramenant la combativité dans le mouvement des sans-papiers… (?)

À Rennes et Nantes (1), le cas concret d’étudiant-e-s en danger immédiat d’expulsion a cristallisé un collectif de soutien, dont les actions (rassemblements, manifs, occupations de présidence…) ont servi à régler des situations individuelles. Le collectif nantais étudiant de défense des sans papiers… (C.N.E.D des sans-papiers…) veut poursuivre sa lutte et a donc rejoint la toute jeune coordination comprenant également Toulouse, Paris et Lille. À Toulouse (occupation du Rectorat), Lille (occupation de l’I.E.P par le collectif des sans-papiers) et Paris (d’où est venue la mobilisation), les occupations se sont terminées par l’intervention de C.R.S… Rappelons que suite aux arrestations à Saint-Denis, 4 personnes sont poursuivies et devront bientôt comparaître…
 

Quand la préfecture juge des études…

L’affirmation première, « carte d’étudiant-e = carte de séjour » est bafouée de plus en plus ouvertement par les préfectures qui n’ont pas peur de faire du zèle en la matière, de traquer les prétendu-e-s fraudeurs-ses, et d’ajouter l’humiliation à l’angoisse « Quatre ans pour obtenir un D.E.U.G… Vous ne croyez pas que vous seriez mieux » chez vous « au lieu d’essayer de faire des études ici ? » (sic). Comme le fait justement remarquer le G.I.S.T.I, les universités ne sont pas les responsables de la situation de ces étudiant-e-s étouffé-e-s sous l’amoncellement de lois et circulaires, les enfermant dans une situation de précarité ingérable : pour obtenir un titre de séjour, il faut être affilié-e à la sécurité sociale et présenter une inscription dans un établissement, alors que l’on ne peut être affilié-e que si l’on présente un titre de séjour, et que l’inscription suppose elle-même que l’on dispose d’une couverture sociale…

Précarisé-e-s/humilié-e-s/expulsé-e-s ; c’est la devise de la République pour les sans-papiers. Devise qui ne concernent pas tous/toutes les étranger-e-s, puisque les universités multiplient les offres d’accueil pour certains publics : mais les étudiant-e-s venu-e-s des pays les plus pauvres ne semblent pas une clientèle intéressante…

Si les universités ne sont pas responsables de cette situation, elles en sont trop souvent complices : les président-e-s d’Université peuvent parfaitement inscrire les étudiant-e-s sans réclamer de titre de séjour ! Qu’ils le fassent ! On ne peut plus se contenter des déclamations humanistes: Ne rien faire, c’est prendre partie. Des professeurs de Paris VIII ont lancé un appel de solidarité avec les étudiant-e-s sans-papiers où ils déclarent refuser d’être transformé-e-s en auxiliaires de la préfecture de police et affirment que la seule manière de régler le problème est de régulariser tous/toutes les étudiant-e-s inscrit-e-s dans les universités. Ce texte circule pour signatures. Initiative simple, à reprendre, permettant de confronter actes et discours…
 

Quelle est la logique de « l’accueil » à l’œuvre ?

Parfois les pouvoirs publics entrouvrent un peu plus les frontières, sans qu’une logique claire apparaisse : souci de l’image internationale ? Démagogie « humanitaire » quand expulsions et répression ont été trop médiatisées ? Ainsi, le 12 janvier dernier, le ministre de l’intérieur a-t-il annoncé qu’il entendait doubler le nombre des visas accordés aux étudiant-es étranger-e-s (23 500 seulement en 1998, ce qui est très peu : le taux global d’étudiant-es étranger-es a chuté de 50 % en 15 ans).

Quelles seront les spécialités que devront choisir ces étudiant-e-s pour être élu-e-s ? S’agit-il de promouvoir la francophonie ou le rayonnement de la France dans le monde ? S’agit-il de répondre à des besoins de l’économie, (puisqu’après 2005 les enfants du « baby-boom » sont censé-e-s partir en retraite) ? Fulgurante anticipation économique… aidée peut-être par le rapport de l’O.N.U sur les migrations de remplacement.

Celui-ci prévoit, (si l’Europe veut enrayer le vieillissement de sa population et maintenir le rapport actuel « actif-ves/inactifs-ves »), qu’un apport de 700 millions d’immigré-e-s sera nécessaire d’ici 2050, dont 93 millions seulement pour la France ! Soit 1,7 million par an… Bien sûr, il existe une autre solution que les « experts » de l’O.N.U estiment beaucoup plus réaliste, et qui consiste à foutre en l’air le système actuel des retraites…

Ouvrir la porte de l’Europe suivant les besoins à court terme, faire travailler plus et plus longtemps locaux comme immigré-e-s : c’est le cocktail du bonheur capitaliste pour le prochain siècle.

Hervé et Jeanne. — groupe de Nantes

(1) Cité par Libération le 22 mars dernier