CRISE DE FOI

Ô temps béni…

Le cardinal Pierre Eyt, archevêque de Bordeaux, a été interrogé par l’Express du 23 décembre 1999. A la question « est-il plus difficile d’être chrétien qu’autrefois ? » il répondit : « La responsabilité des chrétiens est beaucoup plus grande dans le passé, les lois elles-mêmes prétendaient relayer l’Évangile et sa vérité. D’une certaine façon, le fait d’obéir à ces lois suffisait à se présenter comme chrétien. Aujourd’hui, être chrétien relève d’un relatif anticonformisme moral, culturel et, s’il le faut, politique. Notre message se trouve à distance de ce qui est considéré comme une conduite habituelle dans la société contemporaine. » Quel est donc cette époque si bénie où « les lois elles-mêmes prétendaient relayer l’Évangile et sa vérité », que regrette le cardinal ? Sans doute celle des rois ou de Pétain, ou à l’époque, il y avait une religion d’État qui détenait un sacré pouvoir, la sienne bien sûr.

Quelle belle époque, puisqu’on y chassait les juifs, les sorcières, les hérétiques, les sodomites au nom de l’Évangile… Ô temps béni… Quelle belle époque, puisque l’on censurait, on brûlait les ouvrages de ceux qui avaient le culot de parler de tolérance et de liberté d’opinion sur tout, y compris sur Dieu. En fuite ou en prison les Voltaire, les Diderot, les Montesquieu… Maintenant on étudie leurs ouvrages séditieux. Ô temps où l’on avait les pleins pouvoirs : tuer, enfermer, torturer au nom de Dieu. Temps béni où on pressurait le peuple par des impôts religieux, ce peuple que l’on maintenait dans la misère et l’ignorance. Car c’est l’ignorance qui faisait de la religion un pouvoir fort. Temps béni des bûchers purificateurs. Temps regretté que l’on veut réinstaurer y compris en investissant le politique. Ce n’est pas nouveau, mais à l’heure où la société, dans son ensemble évolue vers un peu plus de tolérance, hurler au nom de Dieu « les pédés au bûcher » n’est pas simplement de l’anticonformisme : c’est du fascisme.

Régis Boussières. — groupe Kronstadt (Lyon)