Le Poulpe du collectif « Orange Amère »

 L’ordure, hein !

Le dernier Poulpe « L’ordure, hein ! » se passe à Orange. D’après les auteurs, le Collectif « Orange Amère », dans ce polar ce n’est pas l’intrigue proprement dite qui est importante. Ce qui compte avant tout, c’est de faire ressentir le climat qui règne dans les villes occupées par le F. Haine. Les relents de la terreur semée par les commandos des polices municipales, la peur diffuse qui règne dans ces villes et parallèlement le côté dérisoire du discours et des méthodes qu’ils y emploient.
Le collectif « Orange Amère » nous a rendu visite à la librairie du Monde libertaire. Ils sont « montés à Paris » pour la sortie du bouquin, la fête du livre et aussi parce qu’en ce soir du 22 mars, le Poulpe a 40 ans…
Sept personnes à interviewer, ce n’est pas courant, d’autant plus que tous parlent en même temps et c’est difficile à suivre. Un membre du collectif s’en aperçoit et confie : « La plus calme d’entre nous, c’est Maryse et en plus c’est elle qui parle le mieux du collectif ».

Le Monde libertaire : Comment est né le désir d’écrire un polar sur Orange ?
Maryse : C’est difficile d’imaginer comment on peut vivre dans une ville occupée par des néo-nazis. C’est encore plus difficile de le raconter, d’en parler de vive voix, de trouver les mots justes, de ne rien oublier des événement chocs pour mieux décrire les impressions d’horreur qu’on ressent au quotidien.

ML : Ce livre est-il récent ?
François : Pas du tout, nous avons commencé à l’écrire il y a trois ans. D’ailleurs, on ne sait pas aujourd’hui si c’est un bien ou un mal, mais le bouquin a trop tardé à être publié.

ML : Pourquoi le livre a-t-il eu tant de retard et en quoi est-ce un bien ou un mal ?
Anne : Quand les éditions de la Baleine ont reçu notre manuscrit, ils ont sauté au plafond, en disant qu’il n’était pas question de le publier sous sa forme brute. En effet, dans un esprit d’honnêteté intellectuelle, nous mentionnions les vrais noms des acteurs, mais aussi des lieux. S’ils le laissaient tel quel, on allait se coller au moins une centaine de procès de la part du FN ! Il a fallu beaucoup de temps pour réinventer des noms et noyer ainsi le poisson. Cela dit, le texte n’a pas été touché.

Jean-Paul : Le fait que le livre ait eu du retard est dans un certain sens gênant car la situation a beaucoup évoluée à Orange en trois ans et ne correspond plus exactement à la réalité d’aujourd’hui. D’un autre côté, ça a permis de mettre en avant nos talents de visionnaires, car si lors de l’écriture, nous n’avions pas prévue la scission du Front national, nous avions bizarrement pressentie la montée de Haider (Garlick dans le livre) et de Mégret.

Maryse : Ça fait même peur ! Dans le cas présent, c’est la fiction elle-même qui est devenue la réalité.

ML : En parlant de réalité, quelle est la part d’invention dans les faits ?
Anne : Aucune. Tous les faits cités sont vrais. Le tract du FN, l’attentat, la scène du restaurant, la cave à vins, tout est vrai.
François : Le FNJ qui s’est juré de « pourrir la jeunesse », c’est vrai. Ils ont essayé d’appliquer ce programme dans la ville.
Serge : D’ailleurs, l’idée de Bompart, maire FN d’Orange, quand il est arrivé à la Mairie de la ville, a été de tout faire pour casser les réseaux de résistance.

Marcelle : Évidemment, comme dans toutes les autres villes gérées par les fascistes, leurs mesures ont été d’abord économiques : suppression des subventions pour les lieux de vie, les associations, licenciement du personnel de Mairie non-coopérant, etc.
Pierre : Ils sont même allés jusqu’à faire des économies de bouts de chandelles, pour faire croire à leur bonne gestion de la ville. Par exemple, en remplaçant dans les écoles, les serviettes dans les lavabos par du PQ de dernière qualité, et d’autres choses dérisoires et sordides du même type ! C’est hilarant et, à la fois, ça fait peur de voir la question politique réduite à un rouleau de PQ !

M.L. : Quel avenir pour Orange ?
Maryse : Le vrai malheur, c’est que Bompart se représente à la Mairie en 2001, en invoquant sa soit disant « bonne gestion de la ville ». Or, Bompart est un fidèle du « cyclope » (Le Pen, dans le livre) et un pur et dur de cette tendance d’extrême-droite, violente et intégriste qu’il faut détrôner par tous les moyens ! Malheureusement, après les années de grande résistance, après la manifestation anti-FN de Strasbourg et surtout depuis la scission des deux F. Haine, on a l’impression que les gens ont tendance à se démobiliser, y compris dans les villes qu’ils continuent à gouverner. Alors qu’à notre avis, ils ne quitteront ces lieux que… « par la force des baïonnettes ! »

propos recueillis par Patrick Schindler