ML : Ce livre est-il récent ?
François : Pas du tout, nous avons
commencé à l’écrire il y a trois ans. D’ailleurs,
on ne sait pas aujourd’hui si c’est un bien ou un mal, mais le bouquin
a trop tardé à être publié.
ML : Pourquoi le livre a-t-il eu tant
de retard et en quoi est-ce un bien ou un mal ?
Anne : Quand les éditions de la
Baleine ont reçu notre manuscrit, ils ont sauté au plafond,
en disant qu’il n’était pas question de le publier sous sa forme
brute. En effet, dans un esprit d’honnêteté intellectuelle,
nous mentionnions les vrais noms des acteurs, mais aussi des lieux. S’ils
le laissaient tel quel, on allait se coller au moins une centaine de procès
de la part du FN ! Il a fallu beaucoup de temps pour réinventer
des noms et noyer ainsi le poisson. Cela dit, le texte n’a pas été
touché.
Jean-Paul : Le fait que le livre ait eu du
retard est dans un certain sens gênant car la situation a beaucoup
évoluée à Orange en trois ans et ne correspond plus
exactement à la réalité d’aujourd’hui. D’un autre
côté, ça a permis de mettre en avant nos talents de
visionnaires, car si lors de l’écriture, nous n’avions pas prévue
la scission du Front national, nous avions bizarrement pressentie la montée
de Haider (Garlick dans le livre) et de Mégret.
Maryse : Ça fait même peur !
Dans le cas présent, c’est la fiction elle-même qui est devenue
la réalité.
ML : En parlant de réalité,
quelle est la part d’invention dans les faits ?
Anne : Aucune. Tous les faits cités
sont vrais. Le tract du FN, l’attentat, la scène du restaurant,
la cave à vins, tout est vrai.
François : Le FNJ qui s’est juré
de « pourrir la jeunesse », c’est vrai. Ils ont essayé
d’appliquer ce programme dans la ville.
Serge : D’ailleurs, l’idée de Bompart,
maire FN d’Orange, quand il est arrivé à la Mairie de la
ville, a été de tout faire pour casser les réseaux
de résistance.
Marcelle : Évidemment, comme dans toutes
les autres villes gérées par les fascistes, leurs mesures
ont été d’abord économiques : suppression des subventions
pour les lieux de vie, les associations, licenciement du personnel de Mairie
non-coopérant, etc.
Pierre : Ils sont même allés
jusqu’à faire des économies de bouts de chandelles, pour
faire croire à leur bonne gestion de la ville. Par exemple, en remplaçant
dans les écoles, les serviettes dans les lavabos par du PQ de dernière
qualité, et d’autres choses dérisoires et sordides du même
type ! C’est hilarant et, à la fois, ça fait peur de voir
la question politique réduite à un rouleau de PQ !
M.L. : Quel avenir pour Orange ?
Maryse : Le vrai malheur, c’est que Bompart
se représente à la Mairie en 2001, en invoquant sa soit disant
« bonne gestion de la ville ». Or, Bompart est un fidèle
du « cyclope » (Le Pen, dans le livre) et un pur et dur de
cette tendance d’extrême-droite, violente et intégriste qu’il
faut détrôner par tous les moyens ! Malheureusement, après
les années de grande résistance, après la manifestation
anti-FN de Strasbourg et surtout depuis la scission des deux F. Haine,
on a l’impression que les gens ont tendance à se démobiliser,
y compris dans les villes qu’ils continuent à gouverner. Alors qu’à
notre avis, ils ne quitteront ces lieux que… « par la force des baïonnettes
! »