Centrale de Braud et Saint-Louis
Quand les antinucléaires redorent l’image
de la ville
Pendant la tempête du 27 décembre
1999, un incident s’est produit à la centrale du Blayais en Gironde.
Quelques semaines après, l’information sur un incident de niveau
2 sur une échelle de 7 (= Tchernobyl) a finalement filtré.
Que s’est-il passé ? Nous ne le savons pas vraiment, mais les réacteurs
ont été arrêtés, certains pendant trois mois.
L’eau de la Gironde a passé les digues et a noyé les réacteurs,
les systèmes de refroidissement. À la suite de cet événement,
une association s’est créée et a pris le nom de TchernoBlaye,
pour montrer la menace du risque majeur.
La centrale se situe sur la commune de Braud-et-Saint-Louis
en bord de Gironde au nord de Blaye. Elle a été ouverte vers
1975. Avec le temps, la centrale de Braud-et-Saint-Louis est devenue le
centre de production d’énergie nucléaire (CPEN) du Blayais.
Il faut dire que le président du Conseil général de
la Gironde, Monsieur Philippe Madrelle, est le frère du maire de
Blaye, Monsieur Bernard Madrelle.
La campagne lancée par le collectif
girondin pour la sortie du nucléaire, en association avec la Coordination
Stop Golfech et le Collectif antinucléaire toulousain et le soutien
du réseau national « Sortir du nucléaire » avait
pris l’expression Tcherno… Blaye comme référent pour la campagne
demandant la fermeture de la centrale du Blayais au moins au nom du principe
de précaution. Cela n’eut pas le bonheur de plaire au maire de Blaye.
Celui-ci porta plainte auprès du juge des référés
le 6 avril dernier, car il estimait que ce nom nuisait à l’image
de sa ville.

Rappelant que des milliers d’affiches et de
tracts portant le terme TchernoBlaye ont d’ores et déjà été
diffusés avant la manifestation nationale pour la sortie du nucléaire
du 23 avril, le magistrat a estimé que si dommage il y avait pour
la ville de Blaye, celui-ci était déjà « consommé
» et qu’il ne revêtait donc pas un caractère «
imminent ». Pour le magistrat, seul un jugement sur le fond pourrait
donc réparer un éventuel dommage causé à la
ville de Blaye, via des dommages et intérêts.
Liberté d’expression
Pour Me Michel Touzet, avocat de Stéphane
Lhomme, le président de l’association TchernoBlaye, la décision
rendue est « tout à fait intéressante ». «
J’avais soulevé des petits moyens de procédure tendant à
invalider l’assignation. Je suis heureux que le juge des référés
les ait écartés. Ainsi le débat de fond a pu se développer.
Et le président n’a pas fui ses responsabilités, puisque,
après avoir écarté ces moyens de procédure,
il a plongé sur le fond en disant qu’au nom de la liberté
d’expression il n’est pas question de vouloir interdire à quiconque
d’utiliser le nom de TchernoBlaye. Je vois dans cette décision un
rempart pour la liberté d’expression qui va au-delà de l’événement
immédiat. »
Ajoutons que la décision rendue peut
être frappée d’appel, mais que celui-ci n’est pas suspensif.
La ville de Blaye a encore le recours d’engager le fer sur le fond. Mais
on n’en est pas encore là, et Jacques Ransinan, adjoint au maire
de Blaye, M. Bernard Madrelle, précisait à l’issue de l’audience
qu’il allait rendre compte aux élus municipaux, et que « très
tranquillement » le Conseil municipal prendrait position sur une
éventuelle poursuite de l’action judiciaire. « Les antinucléaires
ont leur place dans le débat public », a-t-il ajouté,
regrettant seulement que la publicité faite autour de TchernoBlaye
« crée un amalgame avec Tchernobyl du plus mauvais goût
».
Notons qu’avec l’association, la personne
physique du président de TchernoBlaye était assignée
à comparaitre. En effet, pour la ville, il y avait confusion dans
les expressions publiques entre la personne du président et le rôle
de président et elle estimait qu’il parlait fréquemment en
son nom propre.
Si l’on peut être satisfait de voir
la ville déboutée, on voit ici les inconvénients de
la personnalisation de certaines luttes. Le juge a en effet jugé
recevable la plainte contre la personne physique, il a par contre rejeté
l’usage du référé sur ce terrain des libertés
publiques.
Philippe Arnaud. — groupe Emma Goldman (Bordeaux)