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Évian 1961

juin 1961.

Tout ceci pour des altesses
Qui, vous a peine enterrés,
Se feront des politesses
Pendant que vous pourrirez.

Victor Hugo

Dans l’Aurès et par toute l’Algérie, des hommes, au nom de la France et du GPRA, échangent des coups de fusils. À Évian, autour d’un tapis vert, des hommes, au nom du GPRA et de la France, échangent des coups de chapeau. On y discute de la Patrie, on y discute aussi de pétrole, mais cela ne se résume-t-il pas à ceci.

Pour les grands de ce monde, ce qu’ils nomment patrie n’est-ce-pas avant tout des subsides et des dividendes, et les vocables « Algérie française » signifient-ils autre chose pour ceux qui les hurlent à tous vents, que leur prétention à maintenir leurs privilèges et leurs craintes à s’en voir dépouillés ? Il en va de même pour ceux qui président aux destinées du pays, on ergotera de façon sordide sur les intérêts les plus bas. Où est-elle la grandeur de la France, son expansion culturelle, son soutien aux pays sous-développés ?

Aujourd’hui pour ceux qui lisent autre chose dans la presse que des bandes dessinées, le récit des amours princières ou les exploits sportifs et nationaux, l’aventure algérienne apparait sous son véritable jour et réduite à ses exactes proportions. Celles du pognon, du sale pognon pour qui ont sévi la guerre, les attentats, les crimes et la torture, celles du pognon sur l’autel duquel tant d’hommes ont été immolés, de familles endeuillées, de foyers détruits, celles du pognon à la gloire de qui, toute notion de dignité humaine a disparu au service duquel les insticts ancestraux de bête féroce se sont réveillés enrichis de perfectionnements scientifiques de notre civilisation de pithécanthropes en habits.

Tout cela crie plus haut que jamais l’inanité de cette guerre, comme de toutes les guerres, et l’impérieux devoir d’y mettre fin. Il ne faut plus qu’une goutte de sang continue à couler pour des intérêts et des prébendes de flibustiers internationaux travestis en chefs d’États.

Maurice Laisant