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Le G8

un instrument de domination mondiale
mars 2003.

Le G7 a été créé en 1975 par Giscard d’Estaing afin d’offrir un cadre de rencontre aux chefs des États les plus puissants pour discuter de façon informelle des questions financières et économiques. Il regroupait les États Unis, le Japon, la France, l’Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni et l’Italie, soit l’alliance des principales puissances se trouvant du bon côté du rideau de fer. Ce n’est qu’en 1994 que la Russie rejoindra ce cercle très fermé.



Officiellement, le G8 se contente d’émettre des « recommandations ». Or celles-ci sont mises en œuvre par les institutions internationales (comme le FMI et la Banque mondiale, dont les pays riches sont les actionnaires majoritaires) ou l’OMC, dominée, elle aussi, par les mêmes pays.

Le G8 est une institution « démocratique » au sens où il réunit des chefs d’états « élus ». Est-il besoin de rappeler les mécanismes de la démocratie représentative : médias faiseurs d’opinion, chèque en blanc accordé aux candidats les plus démagos, impossible contrôle populaire sur les actions de ces mêmes « élus ». En cela, le G8 n’échappe pas à la règle, et sans le mouvement dit « antimondialisation », bien peu d’entre nous auraient été informé-e-s du rôle et de la teneur des débats qui s’y déroule.

Bien qu’il s’en défende, le G8 est une instance du gouvernement mondial autoproclamé. Il est un exemple du processus généralisé de concentration du pouvoir économique et politique entre les mains d’individus partageant une même vision du monde : OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération économique, qui regroupe les 29 pays les plus industrialisés), Banque mondiale, Fonds monétaire international, OMC (Organisation mondiale du commerce) et G8 fonctionnent d’un commun accord. Reconnaissons à ce cartel sa redoutable efficacité : concentration des richesses et de la puissance pour les uns, précarisation, pauvreté et répression pour les autres. Jamais les inégalités n’ont été aussi criantes : chaque jour, 100 000 personnes meurent de faim ; dans quelques 70 pays, où vivent près d’un milliard de personnes, le niveau de consommation est aujourd’hui inférieur à ce qu’il était il y a 25 ans ; les 1 % des gens les plus riches ont un revenu égal à celui des 57 % les plus pauvres. En d’autres termes, moins de 50 millions de riches reçoivent autant que 2,7 milliards de pauvres ! Jamais les attaques contre les bases de nos systèmes de solidarité sociale (éducation libre et gratuite, santé pour tou-te-s, retraites, eau potable etc.) n’ont été aussi agressives et concertées. Cette politique de casse sociale résulte directement des engagements pris en matière de concurrence économique. Quand le gouvernement Jospin ouvre le capital d’EDF (sommet de Barcelone) ou entreprend la privatisation des retraites (commission Charpin), c’est pour s’aligner sur les critères de convergence mis en place lors de ces réunions. Si la mondialisation des échanges (d’idées et de biens) découle directement des facilités de communication qu’ouvrent chaque jour les nouvelles technologies, la répartition inégalitaire des richesses et la poursuite d’une politique productiviste sont des choix de société dont les responsables sont les élites politiques et économiques. Toutes ces décisions produisent des effets désastreux sur le plan social (précarisation de l’emploi, baisse du pouvoir d’achat et des minima sociaux…) et environnemental (marées noires, déforestation, hausse du trafic routier, pollutions diverses).

Pour maintenir la paix sociale, ces décideurs s’appuient sur des médias acquis à leur cause, puisque l’information est elle-même une industrie obéissant aux mêmes mécanismes. La télévision tirant l’essentiel de ses revenus de la publicité, elle n’est pas en position de laisser s’exprimer un point de vue hostile à la consommation frénétique. Heureusement, il reste le livre : or, en France les marchands d’armes détiennent 80 % du livre scolaire et 70 % de la distribution de livre.

Mais comme cela ne suffit plus, alors, le bras séculier de l’État est là pour remettre au pas les pauvres qui ne veulent pas le rester. En la matière, le G8 d’Évian ne manquera pas d’ajouter sa pierre à l’édifice blindé de la coopération policière. Sous couvert de lutte contre le terrorisme, le gang des 8 jugera certainement opportun de prescrire un renforcement du pouvoir policier afin de resserrer son maillage autour des frontières du « monde libre ». Rares sont ceux qui regrettent que les notions d’asile politique ou de liberté de circulation soient ainsi évacués. Ces politiques anti-immigration font plusieurs centaines de morts tous les ans, servent les filières mafieuses qui s’engraissent sur le trafic d’individu-e-s et entretiennent les crispations identitaires.

Les chefs d’États du G8 se retrouvent également au Conseil de sécurité de l’ONU ou au sein de l’OTAN. Parfois, leurs intérêts divergents ne leurs permettent pas de parler d’une seule voix. Mais ces débats ont aussi l’intérêt de sauver les apparences « démocratiques » de ces état-majors dont le rôle est d’organiser la militarisation du monde et de défendre les intérêts économiques des multinationales.

Le G8 remplit donc une triple mission d’organisation de l’économie, des polices et des armées, et permet aux puissances en place de maintenir leurs emprises sur l’ensemble des populations.

Les mobilisations de masse organisées lors des sommets de ce gouvernement mondial obligent aujourd’hui « nos » dirigeants à changer de stratégie de communication. Il leur faut à la fois désarmer les critiques en intégrant la frange la moins radicale du mouvement et criminaliser les agissements les plus subversifs et offensifs. Tous les pouvoirs ont peur de l’action directe populaire, de l’autonomie du mouvement social, des modes de fonctionnement en rupture avec les logiques de pouvoirs (politique, économique, patriarcaux etc.). Car pour eux, toute contestation qui ne finit pas dans le champ parlementaire et s’exprime différemment que par un bulletin de vote, est dangereuse.

Dans le même temps, ils tentent de nous « vendre » l’ouverture du prochain G8 aux pays « pauvres », proposant même des strapontins aux ONG « humanitaires » pour qu’elles assistent à certains débats. Même les ONG les moins revendicatives refusent aujourd’hui, pour la plupart, de leur servir de cautions. Quand aux pays « en voie de développement » invités à Évian, ils seront bien sûr représentés par leurs ministres (et non par des syndicalistes ou des acteurs de la « société civile »). Lorsque l’on connaît les relations entre les élites du nord et celles du sud, les pressions qu’exercent les États du G8 sur la politique intérieure de beaucoup de pays pauvres, que peut-on attendre de ces discussions ? Le G8 sera donc un G28 pendant une journée, on parlera, sous l’œil de la presse complaisante, des pays pauvres entre deux coupes de champagne, on se demandera comment les intégrer au modèle capitaliste dominant que nos responsables présentent comme « le plus court chemin vers le développement ». Mais c’est comme poubelles toxiques, réservoir de pétrole, de matières premières ou de main d’œuvre bon marché que ces pays sont invités à participer à la mise à sac du monde. Il ne suffit pas d’annuler la dette des pays pauvres pour que les populations accèdent à un niveau de vie meilleur. Pour notre part, ce sont aux luttes sociales menées dans ces pays et à celles et ceux qui les font vivre que nous nous intéresseront lors de nos rencontres anti-G8.

Ne cherchons pas dans la recomposition d’un nouveau parti de gauche une dynamique d’avancée sociale et de réflexion populaire. Ne cherchons pas dans un retour au keynésianisme, à la régulation étatique du capitalisme ou à la délégation de pouvoir, les moyens de notre émancipation. Nous les trouverons dans les pratiques alternatives qui rompent avec la logique capitaliste, dans les initiatives d’actions directes populaires qui remettent en cause les divers aspects de la domination.

Comme le capitalisme, le G8 ne se réforme pas, il doit disparaître car rien dans le projet qu’il porte n’est facteur de liberté ou de justice.