L’énorme succès des manifestations contre la guerre du week-end du 15-16 février sur la planète entière démontre que les peuples sont toujours en avance sur leurs gouvernements mais que ces derniers, « défenseurs de la démocratie et de la liberté », n’ont cure de l’opinion de leurs concitoyen-ne-s comme l’ont encore symbolisé les réactions de Bush, Blair, Aznar ou Berlusconi.
Les États qui refusent la guerre ne sont pas pour autant devenus des antimilitaristes forcenés. C’est bien un calcul politique sur l’avenir géopolitique de ce monde qui pousse pour l’heure Chirac à refuser ce conflit. Ce qui est en jeu c’est la capacité de l’Europe à s’émanciper des États-Unis pour tout ce qui concerne les questions militaires et stratégiques et ainsi à assurer sa propre suprématie. On peut encore analyser les guerres actuelles à l’aune de la guerre économique que se livrent les deux entités qui dominent le monde les États-Unis et l’Europe, et qui vont se retrouver au G8 à Évian.
Certaines ambiguïtés dans le discours laissent penser qu’en dernier recours, aucun pays ne s’opposera à la croisade des États-Unis et il n’y a eu d’ailleurs aucun refus de laisser transiter la logistique américaine dans les pays opposés à la guerre. De plus, on ne peut qu’être circonspect sur le fait que dans le même temps où l’on s’oppose à la guerre au nom du respect du droit international, le peuple tchétchène se fait massacrer et Poutine parade dans l’hexagone. Peut-on accepter le sacrifice d’un peuple au nom de la realpolitik ?
L’opposition à la guerre ne doit pas se laisser endormir par les discours enjôleurs de nos gouvernants. Ici aussi se « joue » une guerre contre les pauvres, une guerre où les lois sécuritaires votées depuis vingt ans ont criminalisé celles et ceux qui subissent la loi des plus forts et des exploiteurs. S’opposer à la guerre, c’est se battre pour un Autre Monde où les peuples et les individu-e-s pourront concevoir leurs relations autrement que sur des modes de dominations et de concurrence.