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Michel Boujut débarqué de « Charlie-hebdo »

Le jeudi 20 mars 2003.

Le critique et historien du cinéma Michel Boujut a annoncé lundi dans un communiqué qu’il quittait Charlie-Hebdo, où il tenait sa chronique depuis dix ans, pour cause de « changement de maquette-épuration ».

Dans une lettre ouverte intitulée « Chronique d’une disparition », Michel Boujut s’estime « débarqué comme une planche pourrie avec ses indemnes », actuellement en négociations. Selon lui, la raison invoquée par la direction pour lui « couper le sifflet du jour au lendemain » est « un changement de maquette ». Il juge cette raison « dérisoire et cousue de fil blanc ».

« Plus de chronique cinéma ! », décrète sèchement et unilatéralement le rédac’chef Philippe Val, sans consulter quiconque, ni Cavanna, fondateur du titre, ni Gébé, directeur de la publication (et voisin de page de Michel Boujut, n.d.l.r.). Le tout, « sans informer préalablement la rédaction mise devant le fait accompli », affirme le chroniqueur.

Contactée, la rédaction en chef de l’hebdomadaire « de la France d’en haut » a indiqué qu’elle « ne souhaite pas communiquer » sur ces propos.

Michel Boujut, producteur de « Cinéma Cinémas » sur Antenne 2, était entré à Charlie-Hebdo à la suite d’une rencontre avec Gébé après la disparition de cette émission mythique. « Je regretterai Michel Boujut en tant que lecteur », nous a déclaré Gébé. Mais, pour le reste, « il y a eu une décision de changer la maquette. Et on s’est aperçu qu’il n’y avait plus de place ». « C’est la décision du rédacteur en chef dont l’autorité est totale », a-t-il ajouté.

Mais d’où vient cet atavisme dont semble ne plus pouvoir se départir le rédacteur en chef de Charlie-Hebdo ? Pour un homme qui dit vouloir faire fonctionner son journal comme le « service public » (sic), force est de constater que ses pratiques sont plus proches de celles des « petits patrons ». C’est une litote de dire qu’elles sont irrévérencieuses. Serait-ce sa collaboration à France Inter et la proximité avec les journalistes de cette chaîne — dont les analyses très consensuelles ne sont pas un parangon de la contestation — qui lui donnent des velléités de chef ? La critique du système capitaliste ne concerne visiblement pas la direction de Charlie-Hebdo puisqu’elle s’approprie les formes les plus abjectes et iniques de son fonctionnement.

Un prochain numéro de Réfractions devrait aborder, entre autres thèmes de réflexion, l’étude sociologique des avatars de Charlie-Hebdo et mettre notamment en exergue comment, sous couvert d’un changement de maquette (janvier 2001), l’autoritarisme de la direction avait déjà permis la censure de certaines rubriques et la mise au placard de certains journalistes.

Athéna