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Mourad, 17 ans, assassiné par les condés

Le jeudi 13 mars 2003.

Nous sommes vers Durfort (Gard). C’est la nuit, samedi 1er mars. Une voiture fuit quatre gendarmes du peloton de surveillance et d’intervention de Saint-Hippolyte-du-Fort. À bord, trois jeunes : Akim 19 ans, Mohammed 18 ans et Mourad 17 ans de la cité de Valdegour à Nîmes. Ils sont soupçonnés d’avoir tenté de cambrioler une maison. Les flics ouvrent le feu à quinze reprises. Mourad est touché à la nuque. Ses copains parviennent à s’enfuir et le conduisent à l’hôpital de Montpellier. Dimanche, Mourad décède de ses blessures. Lundi, Akim et Mohammed se rendent à la police. Ils sont placés en garde à vue. Les pandores, eux, après avoir été entendus par l’Inspection technique de la gendarmerie nationale, retrouvent la liberté et leur « travail ».

Un scénario d’une banalité révoltante

Un gamin assassiné, deux autres en garde à vue, les assassins en liberté et c’est l’explosion à la Zup lundi soir. Caillassage des CRS, cocktails Molotov, incendies de voitures, etc. Incarcération de jeunes émeutiers, comparution immédiate pour l’un d’entre eux : il prend douze mois dont quatre fermes. Mardi soir, c’est tout un quartier qui se rassemble autour de la famille de Mourad pour appeler au calme : brûler la bagnole du voisin ne résout rien, il faut construire la lutte.

La cité de Valdegour a été construite en 1958 pour permettre l’accueil des rapatriés d’Algérie. Pendant de nombreuses années, classes populaires, moyennes, français, immigrés y ont vécu ensemble. Comme partout, le quartier, faute de moyens, s’est dégradé. Les pauvres sont devenus plus pauvres, les moyennement pauvres ont quitté le quartier. Aujourd’hui, la population est principalement d’origine maghrébine. Le Gard n’a plus ses sources d’emplois traditionnelles qu’étaient les mines et l’industrie textile. Le monde agricole s’est mécanisé et le patronat local, composé essentiellement d’anciens pieds-noirs, préfère embaucher des clandestins.

Certes, le gosse tué avait commis des larcins et succombé aux sirènes de la consommation. Il l’avait expliqué à une journaliste de Libé qui l’avait interviewé quelques mois plus tôt : « Une fois qu’on a goûté à l’argent sale et qu’on sait qu’on peut gagner en une journée ce qu’on gagne en un mois quand on travaille, c’est difficile d’y renoncer ». Oui la flicaille est chargée de gérer la tension sociale générée par le capitalisme. Et alors ? Ça lui donne le droit de rendre justice elle-même, de rétablir la peine de mort, de buter un gamin pour vol ? Non ! Jamais un autoradio, une mobylette ou même les joyaux de la Couronne ne vaudront la vie d’un homme !

Pas de justice, pas de paix

Alors la famille, les voisins, les amis, les associations du quartier, les habitants des autres cités et les gens révoltés par ces événements se sont rassemblés pour manifester et exiger que justice soit rendue. Nous étions un bon millier à partir du lycée Camargue. Manif pour dire sa colère, sa rage, sa haine. Manif pour dire à la famille de Mourad qu’on souffre avec elle. Manif pour exiger la justice.

La préfecture a donné le ton en bloquant les bus qui venaient de Valdegour pour empêcher les gens de manifester. Non contente de cette manœuvre, elle a déplacé des cars de CRS pour bloquer la manif en pleine rue à 200 mètres du départ. Tensions, négociation ; nous sommes finalement passés après que les organisateurs eurent accepté de changer le parcours. Une fois arrivés à la préfecture, une délégation a été reçue pour exiger que la police cesse de contrôler les gens qui quittaient la manif, pour que les assassins soient suspendus de leurs fonctions et que justice soit faite à Mourad. Les autorités ont obtempéré pour ce qui concerne le premier point. Quant aux deux autres…

On peut d’ores et déjà craindre l’issue de la procédure conduite à l’encontre des pandores. Combien sont tombés sous les balles des « forces de l’ordre » ? Entre 1977 et 2001, elles ont tué 196 fois. Combien de flics ont été condamnés à la hauteur de leur crime ? Aucun d’après l’enquête de Maurice Rajsfus. C’est acquittement, relaxe, non-lieu, sursis… Ici, c’est la même juge qui est saisie pour traiter le cas des gendarmes et celui d’Akim et Mohammed. Et puis, le maire de Saint-Hippolyte-du-Fort a lancé une pétition de soutien aux gendarmes…

Mais nous resterons mobilisés aussi longtemps qu’il le faudra pour dire que rien ne vaut la vie d’un être humain. Justice pour Mourad !

Sadia, groupe Gard-Vaucluse