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Les Disparus du franquisme

Le jeudi 27 février 2003.

En long et en large de tout le territoire ibérique des bandes d’assassins, des phalangistes, des carlistes, tous chrétiens, et supposés « gens de bien », semèrent la terreur et la mort pendant et après les années de guerre et de révolution (1936-1939) pour imposer par le sang et la barbarie leurs croyances médiévales. Le pouvoir de ces tarés a duré si longtemps que cette terreur est arrivée intacte jusqu’au XXIe siècle.

On estime à plus de 30’000 les disparus en relation avec la guerre civile et la répression franquiste qui la suivit (1936-1975). En théorie, le régime franquiste mourut avec la mort du dictateur en 1975, mais après 27 années de « démocratie » le silence dure encore, ainsi que la peur et les menaces en guise de voile épais qui couvre cette partie de l’histoire récente.

L’Association pour la récupération de la mémoire historique a fini par arriver devant le Groupe de travail sur les disparitions forcées de l’ONU à New York, et a réclamé qu’on oblige le gouvernement espagnol à ouvrir les fosses communes où se trouvent les disparus. Dans le texte que l’avocate de l’association, Montserrat Sans, lut à l’ONU, on rappelle qu’il y a 30’000 disparus et l’on parle de quelques cas massifs de disparitions. Sans a insisté sur le fait que les autorités espagnoles ne font rien pour faciliter l’ouverture des fosses. Toutes sont du camp républicain, les « fascistes » furent recherchées et honorées à la fin de la guerre. Dans de nombreux cas, ceux qui connaissaient les emplacements de ces fosses communes sont décédés et leur « secret » est parti avec eux. Mais l’on suppose la présence de 4’000 corps à Mérida, 1’600 à Oviedo, 2’000 à Gijon, 2’500 à Séville, 3’000 à Badajoz, 1’005 à Teruel, 1’000 à Puente Castro (León), etc.

Les demandes d’ouvrir les fosses communes, pour le gouvernement, ont perdu leur caractère d’urgence et la majorité de ceux qui font ces demandes et qui peuvent coopérer à la localisation sont très âgés. Ils sont les seuls à pouvoir donner toutes les informations précises qui amèneraient à trouver ce qui reste des cadavres et réhabiliter les victimes. Quatre demandes concrètes ont été formulées à l’Onu afin que cet organisme en fasse des recommandations au gouvernement espagnol : que ce soient les institutions qui ouvrent les fosses ; que l’on remette les restes aux familles ; que l’on crée une commission de la vérité comme dans d’autres pays où il y eut des dictatures et enfin que l’on retire d’Espagne tous les symboles franquistes qui offensent la dignité des victimes (noms de rues, de villages, plaques commémoratives, monuments « à ceux qui sont tombés pour Dieu et pour l’Espagne », etc.).

Ces derniers mois ont été ouvertes plusieurs fosses communes dans la localité d’El Bierzo (province de León) avec la collaboration de l’association citée et des autorités locales des mairies concernées. À ces occasions, on a utilisé avec succès, et pour la première fois dans des cas de cette nature, la technique de l’ADN qui se transmet par filiation maternelle pour reconnaître les dépouilles trouvées, sous la responsabilité du Pr José Antonio Lorente du Département de médecine légale (Université de Grenade), qui a compté nécessairement avec la collaboration des familles.

Au contraire de ce que la propagande officielle affirme, on a peu écrit sur cette étape historique pour la classe ouvrière ; on a peu produit de films (aujourd’hui Le Voyage de Carole de I. Uribe) et on a très peu informé, ce qui perpétue le silence des vainqueurs, le silence des tombes, sur ce qui est arrivé aux générations immédiatement antérieures aux nôtres. Ces générations qui mirent en marche une société nouvelle d’égaux qui malgré tout triomphera sur ce système capitaliste fondé sur l’inégalité sociale et l’injustice. Les initiatives comme celles menées par cette Association pour la récupération de la mémoire historique méritent notre plus sincère applaudissement et notre admiration.

Traduction Relations internationales de la FA


Source : Contramarcha de Solidaridad Obrera nº 14