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1er février : manifestez !

Retraites

il faut que ça change
Le jeudi 30 janvier 2003.

Les pensions versées aujourd’hui se montent à près de 168 milliards d’euros (1’100 milliards de francs), somme énorme qui représente plus de 10 % du PIB ! Cet argent échappe aujourd’hui aux institutions financières. Le patronat souhaite pouvoir profiter des subsides d’une épargne individualisée, que celle-ci s’appelle fonds de pension ou épargne salariale, peu lui importe en définitive en tant que bénéficiaire de cette manne financière, qui lui servira à rentabiliser ses investissements boursiers et spéculatifs. Si les "responsables politiques" vont dans le même sens, c’est parce qu’ils sont gestionnaires du système capitaliste.

Quelques chiffres…

Les éléments économiques objectifs suivants démontrent très clairement la viabilité du système par répartition tel qu’il existe, sans être en rien révolutionnaire : le rapport Charpin (sénateur et commissaire au compte) indique que la charge des retraites dans le PIB (Produit intérieur brut) passerait de 12 % aujourd’hui à 16 %, soit 4 points de PIB lissés sur les 40 prochaines années, en sachant que ces 40 dernières années, cette part avait été augmentée de 7 points. Cette « charge » avait été encaissée par la croissance économique. Avec une croissance modérée de 1,7 % par an (2,1 % pour la période de « crise » de 1973 à 1996), le PIB aura doublé en 2040. Dans le même temps, la « charge » des inactifs n’aura été multipliée que par 1,25. Le vrai « problème » des retraites est avant tout politique : c’est celui du partage des richesses. Ainsi, la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises est passée de 70 % en 1980 à 60 % aujourd’hui.

Depuis 1945, l’augmentation de la productivité a permis au patronat d’accaparer des profits considérables, au détriment des salariés et des retraités. Un nouveau partage des gains de productivité doit servir à payer les retraites des travailleurs ayant générés ces richesses ! Un transfert de 0,5 point de productivité par an suffit à résoudre la question du financement des retraites jusqu’au point critique de 2040.

Le retour à 37,5 annuités des salariés du privé coûtera environ 4 milliards d’euros par an. À titre de comparaison, le trou financier du Crédit lyonnais coûtera aux contribuables 16 milliards d’euros, les exonérations de charges patronales étaient de 18 milliards d’euros en 2002, et le budget militaire de 40 milliards d’euros (en augmentation de 6,1 %) en 2003.

Un choix politique

Ce n’est pas aux marchés financiers de décider du montant des retraites, c’est à la société de décider collectivement quelle est la part de la richesse produite qui doit aller aux personnes âgées. On veut nous enfermer dans des débats techniques sur les évolutions démographiques et autres paramètres économiques soi-disant incontournables, alors que le problème fondamental est la nature de la société dans laquelle nous voulons vivre. On veut nous imposer une société qui serait un ensemble d’individus épargnant chacun dans son coin — renforçant les inégalités —, soumis aux aléas de l’évolution des marchés financiers et incapables de déterminer leur avenir.

Quelles perspectives de lutte ?

Le système actuel de retraite par répartition, en tant que compromis historique réalisé dans le cadre d’un système capitaliste entre la bourgeoisie et le monde du travail, ne représente évidemment pas la panacée pour des militants anarchistes et syndicalistes. Il est inégalitaire puisque les pensions les plus élevées sont servies aux anciens salariés les mieux payés, qui sont souvent déjà propriétaires de leur logement. L’inégalité existe aussi dans l’espérance de vie : les salariés ayant eu les travaux les moins pénibles physiquement et les plus valorisant intellectuellement vivent en moyenne plus longtemps que les autres, et donc profitent davantage de ce temps libre.

Cependant, étant donné le rapport de force actuel et les tentatives de division du salariat (privé-public), il convient à court terme d’être pragmatique en réclamant pour les travailleurs le maintien, le renforcement et l’amélioration du système actuel, système de solidarité entre générations, entre individus et entre professions. Toute autre revendication ne saurait être qu’un rideau de fumée de plus qui servirait en définitive les intérêts des patrons.

Comment l’imposer ?

Evidemment, le patronat ne paiera que sous la pression de la rue. La lutte pour les retraites est indissociable de la lutte contre les licenciements et pour les augmentations de salaire, et de la lutte pour la régularisation de tous les sans-papiers. En effet, les augmentations de salaires et la baisse du chômage impliquent des rentrées supplémentaires de cotisations. De même, la régularisation des sans-papiers, permettrait, non seulement en leur donnant des droits, de les dégager de leur situation néo-esclavagiste vis à vis de leur patron, mais rapporterait également des cotisations supplémentaires au régime par répartition.

Le 25 janvier 2001, c’est précisément contre le rallongement de la durée de cotisation que les secteurs privé et public sont massivement descendus dans la rue. Le 1er février 2003 et dans les combats à venir, il faudra être mobilisé dans la rue et dans les boîtes, avec des travailleurs en lutte des secteurs privés et publics, pour le maintien et l’amélioration de ce système de retraite. La solidarité de tous sera nécessaire. En effet, le Medef parle déjà d’augmenter le nombre d’annuités nécessaires dans le privé à 42,5 annuités dans 10 ans. Gageons, que « par souci d’équité », les politiciens du moment sauront alors faire passer la durée de cotisation des salariés du public à 40 annuités… L’objectif étant à terme les 45 ans de cotisation.

À ce titre, le résultat du référendum sur la réforme du régime des retraites à EDF-GDF (280’000 salariés et retraités) est un signe très encourageant de la lucidité des travailleurs sur les enjeux et les rapports de classe en présence, y-compris vis-à-vis des positions d’accompagnement de leur appareil syndical bureaucratique.

Les décisions du patronat et de l’État n’ont rien d’inéluctables. La motivation et la conscience de classe revenant, peut-être pourrons-nous alors préparer la contre-offensive sociale généralisée. Les anarchistes ne situent pas leur projet social dans le cadre de l’expansion illimitée de la production de biens et de services, alors que certaines de ces marchandises ont peu d’utilité sociale, polluent et aliènent les individus, que ce soit sous forme d’exploitation ou de consommation « gadgétisée ». C’est pourquoi, à terme, et une fois le système capitaliste mis à bas, il faudra que les travailleurs et les consommateurs gèrent ensemble et sans intermédiaire en fonction de leurs besoins, la production et la répartition de ces richesses.

Pierre, groupe la Commune, CGT PTT 35


des revendications

  • La retraite à taux plein avec 37,5 annuités de cotisation, privé comme public, car c’est la durée moyenne d’une vie de travail pour les salariés du privé comme du public ;
  • Un montant de pension net minimum de 75 % du traitement net dans le public comme dans le privé ;
  • L’abrogation des lois, réformes et accords anti-sociaux ARCCO-AGIRC ;
  • Une augmentation des minimas sociaux : minimum vieillesse et minimum contributif en particulier ;
  • Le départ en retraite à partir de 55 ans, le maintien d’un système par répartition intégrale.

Le financement de ces mesures devra être pris en charge par le patronat : taxation des revenus financiers des entreprises, augmentation des cotisations patronales, extension des assiettes de contribution patronale à l’ensemble de la valeur ajoutée.