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À nos amis lecteurs

juillet 1968.

Le Libertaire n’a pas paru le mois passé. Nous nous en excusons auprès de nos lecteurs. les mouvements de grève et en particulier celle du Livre nous a contraints à repousser d’un mois le numéro qui devait paraître. Entre-temps, avec bien des difficultés dues en particulier au sectarisme et à l’esprit antidémocratique des dirigeants de la Fédération du Livre, nous avons réussi à sortir un numéro spécial sur les événements. La grève des transports nous a empêchés de vous le faire parvenir. Pour nos abonnés, nous joindrons ce numéro à l’envoi du présent journal. Les lecteurs qui le désireraient n’ont qu’à s’adresser à notre siège.

Mais si les circonstances ne nous ont pas permis de vous informer convenablement de notre activité pendant ces journées de lutte, nous ne fûmes pas moins présents partout où les étudiants et les ouvriers lutaient contre le gouvernement gaulliste, le patronat et les policiers qui essayaient de torpiller les grèves.

Nous étions à la Sorbonne pour diffuser notre presse, vendre nos livres, faire connaître la FA et participer à de nombreux colloques ; nous avons assuré nuit et jour la permanence de notre local, confectionné de nombreuses affiches et tracts, organisé des manifestations dans différentes localités de la région parisienne. Nos militants syndicalistes et étudiants ont occupé et leurs usines et leurs collèges et leurs facultés, participé aux décisions qui orientaient ce vaste mouvement. La première grande manifestation de solidarité étudiants-ouvriers a vu nos militants défiler en tête de l’immense cortège de la République à Denfert-Rochereau.

Une forêt de drapeaux noirs dominait cette inoubliable manifestation où plusieurs milliers d’« anars » escortaient leur étendard.
Nous avons été de tous les défilés et bagarres et le courage de nos copains restera légendaire.

Maintenant encore, nous assumons une permanence de librairie et à la fac de droit et à la fac de médecine et nombreux, très nombreux sont les interlocuteurs qui viennent bavarder avec nous et d’enquérir de tout ce qui fait la richesse de la pensée anarchiste.

Aujourd’hui désarçonné par les élections, le mouvement ouvrier et étudiant s’est replié dans les usines, dans les facultés. Il est essentiel que notre presse lui parvienne, qu’il puisse lire nos revues, qu’il connaisse la signification des formules comme l’autogestion, le fédéralisme, l’anarchie qui sont nouvelles pour lui ou qui sont entachées de préjugés bourgeois. Pour la diffusion de notre propagande, pour que cette foule qui souvent et sans bien s’en rendre compte clamait sa foi en la liberté, telle que nous la concevons, pour que tant d’efforts ne restent pas infructueux, ne jetez pas Le Libertaire, après l’avoir lu, donnez-le pour le faire lire. Mieux achetez-en plusieurs chaque mois pour les distribuer.

Le drapeau noir et l’anarchie ont au cours de ce mois de mai 1968 crevé le plafond. Aidez-nous pour que la moisson soit fructueuse.

Les administrateurs,
Maurice Joyeux et Richard Pérez