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éditorial du nº 65 ; L’Heure des reniements approche

décembre 1960.

« Ainsi donc, pas d’illusions vaines. Le suffrage universel sera vicié dans son application tant qu’une vaste réforme sociale ne sera point venue couper court à ces deux fléaux qui altèrent toute chose : la misère et l’ignorance. » Louis Blanc, Histoire de la Révolution de 1848.



Les dés sont jetés. Plus qu’une solution à la guerre d’Algérie : le Prince recherche une approbation de sa conduite et le peuple, lâchement soulagé de se décharger de ses responsabilités, s’apprête à la lui donner ! Le moyen d’obtenir cette approbation n’est pas choisi par l’histoire, car l’histoire nous enseigne que le plébiscite fut le rempart suprême des autocrates avant qu’ils ne s’écroulent balayés par leurs fautes ou par leurs crimes.

Et déjà on voit se nouer dans les offinices politiques d’étranges tractations qui rallieront une partie de la gauche à l’opération classique du référendum. On cherche une formule suffisamment obscure pour que chacun y trie de quoi se donner bonne conscience et rassurer l’électeur. On la trouvera !

Le grand reniement des directions de partis et des bureaucraties syndicales amorcé au cours de la préparation de la manifestation des étudiants se précise. On va nous déléguer des « gens raisonnables », qui discourront savamment du rapport des forces, de la politique du moindre mal. Comme si cette politique dite des 51 % ne portait pas la responsabilité de l’effondrement du mouvement ouvrier entre les deux guerres, de l’écrasement des travailleurs, retranchés dans la cité Karl Marx de Vienne-la-Rouge. Comme si la politique qui consiste à placer le mouvement ouvrier à l’ombre du Prince n’était pas l’obstacle principal à la reconstitution d’une extrême gauche socialiste, antimilitarisme, révolutionnaire, pas simplement dans les mots mais dans les actes, car dans une période exceptionnellement grave ce sont les actes qui sont révolutionnaires et non « un certain verbalisme » dont l’emploi sert d’alibi aux bureaucraties politiques ou syndicales.

Le piège se tend ! Si vous dites non au vieil homme énervé et têtu, vous renforcez le camp du fascisme et c’est bien sur quoi comptent les politiciens « de gauche », les syndicalistes « d’antichambre » pour vous amener à voter pour une formule qui maintient en place un homme dont la politique étrangère sert les uns et dont la présence rassure les autres incapables de faire front.

Les faits sont clairs. Ne se laisseront prendre à cette comédie que ceux qui placent les intérêts matériels de leur clan avant l’intérêt du monde du travail. L’heure des reniements approche ! Enveloppés dans une dialectique, qui a fait ses preuves et qui a souvent permis aux bureaucrates de surnager, on affute les mots vidés au préalable de leur contenu, destinés à nous faire avaler le brouet ! Nous ne marcherons pas ! Nous refusons de plébisciter un homme dont le statut octroyé prolonge la guerre d’Algérie. Nous refusons de faire le jeu des politiciens de gauche ou des politiciens de droite.

Nous ne participerons pas au référendum et nous demanderons aux travailleurs de s’abstenir. Nous ne nous contentons pas de nous abstenir mais nous ferons campagne contre la participation à ce qu’on peut considérer comme la plus grande escroquerie du règne !

C’est dans les moments difficiles qu’il faut revenir aux sources. Il n’y a plus en France de parti ouvrier révolutionnaire. Le mouvement syndical est tronçonné. Mais partout il reste des ilots de ce qui fut autrefois un mouvement ouvrier plein de dynamisme et d’expérience.

C’est autour de notre Fédération anarchiste, dont actuellement la progression est certaine que se rassembleront ceux qui veulent se dresser contre le Prince et ses bouffons.

la rédaction