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Gilles Durou est mort

Le jeudi 30 octobre 2003.

Voila quelques jours, je relevais mon col de caban pour me garder du vent froid qui balayait le petit plateau des Pyrénées basques où nous allions enfouir les cendres de mon ami, de mon frère Gillou… Les potioks, chevaux semi-sauvages du pays, dont nous foulions le territoire, nous regardaient, comme intrigués de nos agissements. Ils étaient une centaine comme nous… Après avoir découpé un gros carré d’herbe, nous avons creusé encore un peu, puis déposé les cendres accompagnées d’une lettre ; nous avons refermé cette petite sépulture symbolique avec le carré, dans cette aire de liberté que Gillou aimait tant. Puis, nous sommes redescendus vers la vallée, tristes et vivants.

Gilles Durou avait 49 ans quand son cœur a lâché prise, le 22 septembre 2003, après neuf mois de douleurs, de désespoirs et d’espoirs dans un hôpital de Bordeaux. C’était un râleur, un esprit critique, la générosité faite homme. Il avait fondé les éditions Analis pour pouvoir rééditer L’Increvable anarchisme, de Louis Mercier Vega, et publier ensuite un livre salutaire sur l’emprisonnement des humains, Liberté sur paroles, de Christophe Soulié. Il avait ouvert, à Bordeaux, une librairie, « L’En dehors », puis lancé un cercle d’études libertaires.

Après avoir milité au groupe Sébastien-Faure de Bordeaux de la Fédération anarchiste, rue du Muguet, il avait fondé le Groupe anarchiste de Bordeaux, dans le même local, puis rejoint l’OCL.

Sa vie de libertaire est une suite impressionnante d’action de réflexion, d’aide : génocide du Rwanda (où il s’était rendu en 1995 afin d’y recueillir des témoignages des rescapés), à propos duquel le silence occidental le rendait fou furieux (Collectif girondin pour le Rwanda) ; grèves de la faim des sans-papiers (1991, 1998, 2002), luttes contre le nucléaire (Braud, Golfech, comité antinucléaire de Bordeaux, Comité de lutte antinucléaire girondin), contre le tunnel du Somport, contre les commandos anti-IVG (Collectif girondin pour le droit des femmes à l’avortement et à la contraception).

C’était un humain perpétuellement tourné vers les autres. Il me manque. Il manque et manquera à tant de gens…

Serge Utgé-Royo