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Le Forum social libertaire

un saut qualitatif pour les anarchistes
Le jeudi 27 novembre 2003.

Le contre-G8 d’Annemasse, les luttes sociales du printemps et de l’été, le rassemblement du Larzac ou le Salon du livre de Merlieux, ont réuni autant, voire plus, d’anarchistes que le Forum social libertaire, pourtant le FSL représente une réussite symbolisant visiblement un nouveau cap franchi par notre mouvement.

Certes, nous avons « échoué » dans certains secteurs comme la traduction des débats. Nous avons rencontré des difficultés dans la gestion du logement des camarades ou la manif du 15 novembre. Mais ce FSL est une grande réussite pour plusieurs raisons.

La capacité des anarchistes à concevoir un événement autonome, portant ses propres valeurs, présentant le projet libertaire et se démarquant visiblement de la gauche institutionnalisée ou radicale. Nous voulions affirmer le projet anarchiste comme cohérent et capable de devenir une alternative crédible en rupture avec le capitalisme. C’est réussi. Les hommes, les femmes ont le droit de ne pas être d’accord avec nos propositions, l’important est qu’ils et qu’elles sachent que si un autre monde est possible, il a toutes les chances d’être libertaire, autogestionnaire et fédéraliste.

Les anarchistes ont élargi leur audience au-delà des cercles habituels. Cela a été une réussite populaire dans le sens où nous avons réuni beaucoup de monde venu d’horizons différents (au minimum, 6 000 personnes ont pris part au FSL). Bien sûr, les militant.e.s et sympathisant.e.s libertaires, étaient présent.e.s. mais, vendredi, samedi, et surtout dimanche à Saint-Ouen, de nombreux participant.e.s venaient du FSE et d’ailleurs pour voir, écouter et participer activement au FSL.

La qualité des contenus. Dans la déclaration commune présentant le FSL nous affirmions : « Les libertaires construisent une alternative sociale au système. Ils et elles mettent en place aujourd’hui des expériences, bases possibles à la société de demain. Les libertaires proposent des revendications immédiates en rupture avec le capitalisme, le patriarcat, l’étatisme, le nationalisme xénophobe, le militarisme, le sexisme, le productivisme et la religion. Les libertaires participent à la mise en place de pratiques autogestionnaires basées sur l’action directe, la gestion directe des luttes, les comités de grève, le mandatement et le contrôle des délégués (mandat révocable). »

Notre pari était de faire avancer qualitativement nos propositions, nos pratiques. Les débats du FSL ont été riches en contenu, en échanges, en diversité et aussi en convivialité. Ils ont permis à tous celles et à tous ceux qui voulaient s’exprimer, confronter leurs points de vues, de relater leur expériences concrètes, d’analyser nos échecs, d’avancer sur des revendications communes ou nouer des contacts européens. Sur ce point aussi le FSL a été utile.

Les livres anarchistes intéressent un large public. Le dynamisme de nos idées s’est retrouvé aussi dans le Salon du livre anarchiste. Chacun a pu constater la vitalité de l’édition libertaire. Nous ne publions plus uniquement des études historiques présentant le rôle que nos camarades ont tenu en 1871, 1917, 1936 ou 1968.

Les libertaires, grâce à des romans, des manifestes, des brochures, des revues, des magazines, défrichent de nouveaux espaces, embrassent le présent et le futur proche. Ils et elles contribuent à inscrire l’anarchisme dans le social, la réalité quotidienne ou l’imaginaire de la population.

Une capacité militante accrue. Chacun des objectifs pris séparément était réaliste : Salon du livre, manifestations, actions directes, animation de trente débats, accueil et cantine, expositions, etc. Le pari résidait dans notre capacité collective à les mener en même temps grâce à des pratiques libertaires et autogestionnaires. Le FSL, c’étaient aussi des actions (organisées seuls ou avec d’autres) : ouverture de squats (qui n’ont pas duré), manifestation de solidarité avec des camarades grecs, protestations contre l’Europe-forteresse ou l’univers concentrationnaire des prisons, tenir la manif du samedi et celle pour le droit des femmes.

L’autogestion, le fédéralisme, c’est possible et ça marche !

Déjà à Annemasse, le Vaaag et la ClaaacG8 avaient ouvert la voie. Pour les anarchistes, il est nécessaire de vivre nos propositions organisationnelles au quotidien. Nous prônons l’autogestion et le fédéralisme, nous les avons appliqués ici et maintenant (avec plus ou moins de réussite) au sein même de l’équipe organisatrice du FSL.

Notre première réunion organisationnelle date de la mi-août, sans la pratique autogestionnaire, nous n’aurions jamais pu organiser, gérer et réussir le FSL en moins de six mois. Par rapport au FSE, dans ce domaine aussi, c’est une différence que chacun et chacune a clairement perçue.

Les participants du FSE passés par le FSL nous l’ont d’ailleurs dits. « Ah ! l’efficacité de l’anarchisme ! »

Le prochain cap à passer n’est pas des moindres, il est « psychologique ». Les libertaires doivent prendre conscience de leur force (à sa juste valeur). Nous ne devons plus uniquement calquer nos actions, nos projets sur les marges des gauches institutionnelles et radicales, mais gérer nos propres potentialités et originalités. Nous devons concilier revendications immédiates (en rupture avec l’État, le capital et les religions) avec des perspectives révolutionnaires.

Bref, nous assumer en tant qu’anarchistes.

Ce n’est peut-être pas gagné d’avance, mais c’est plus passionnant que la Star Ac ou les prochaines élections régionales.

J’oubliais. L’échec le plus important était prévisible. Il s’est concrétisé par un trou financier important. À nos et vos chéquiers !

Wally