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Les Dieux boliviens ont toujours soif

Le jeudi 13 novembre 2003.

Hier, veille de la Toussaint, les représentants du gouvernement bolivien, de l’armée et de la police (les officiers évidemment) assistaient à une messe pour se souvenir des morts de la « guerre du gaz ». Au sujet du gaz : on tourne donc toujours autour du pot. On peut aussi parler des accords du Fond monétaire international, Carlos de Mesa Guisbert, le nouveau président bolivien, ne modifiera pas d’un poil la politique économique néolibérale entamée par Goni, son prédécesseur. Ces accords prévoient l’exportation du gaz vers les États-Unis.

David Greenlee, important personnage politique bolivien, ambassadeur des États-Unis élu par personne, a toujours sont mot à dire, surtout quand on ne voudrait pas l’entendre. Il faut, selon lui, respecter les accords du FMI et il ne faut pas oublier une petite préoccupation en suspens qui est l’éradication de la coca excédentaire.

À El Alto, le gouvernement a désamorcé la bombe sociale à retardement qui est l’Université publique de El Alto, l’un des principaux secteurs mobilisés dans la ville la plus jeune du monde. Il a concédé enfin à l’Université un semblant d’autonomie, après tant d’années de luttes contre la mainmise politique et religieuse.

Les « paysans sans terre » Aymara et Quechua envahissent les énormes propriétés des politiciens qui ont courageusement fui aux États-Unis et les affrontements avec les forces de l’ordre ont encore été violents. Les blessés gisent toujours dans les hôpitaux, sans aide du gouvernement malgré ses promesses d’indemnisations. Sinon, la classe moyenne est contente. Il ne faut pas oublier qu’elle s’est mobilisée tardivement en sortant dans la rue en tapant sur des casseroles (on fait comme en Argentine, on lutte) avec ses femmes de ménage et ils ont aussi fait une chaîne humaine pour la paix.

« Aujourd’hui, nous nous sommes réunis et nous nous sommes déclarés en état d’urgence, nous avons donné un délai de 90 jours au gouvernement pour qu’il remplisse nos demandes. Sinon nous allons nous mobiliser à nouveau, nous exigeons un procès de responsabilité à l’encontre de Goni et aussi de Manfred et Jaime Paz Zamorra pour leur complicité avec l’ancien gouvernement, que se réalisent les connexions de gaz naturel à domicile, que les propriétés de Goni et de ses complices soient vendues et que l’argent aille aux familles des morts et des blessés, l’autonomie de l’Université publique de El Alto, que le gouvernement ne considère pas les dirigeants des associations vicinales comme des perturbateurs. » (témoignage de Don Oscar, Villa Ingenio, District 5 de El Alto) Les tyrans sont partis, mais la tyrannie est toujours là.

Huayna Willa