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Sur le front de l’Est

Le jeudi 13 novembre 2003.

La revue HOBOCTb (prononcez « Novost’ », « Les Nouvelles » en russe) a pour but d’informer sur les luttes du mouvement ouvrier de l’ancien bloc soviétique. Ses principes sont simples : anticapitalisme et antistalinisme, internationalisme et indépendance du mouvement ouvrier vis-à-vis des partis politiques. Nous reprenons ici quelques articles saillants du dernier numéro.



La Pravda du 17 septembre informe que récemment le Comité des statistiques de la Fédération de Russie a publié une nouvelle étude sur les salaires impayés. Commençons par une information positive qui est relayée par la clique de Poutine : la somme des salaires impayés a baissé de 5,1 % d’août à septembre et de 9,6 % depuis septembre 2002. Dans l’atmosphère électorale qui touche aujourd’hui la Russie, Alexis Kudrin, le ministre des Finances, a longuement expliqué sa satisfaction devant la Douma le 15 septembre : depuis 1992, jamais les arriérés de salaires n’ont autant baissé ! Cependant, la somme totale des salaires impayés dus aux travailleurs représente toujours 723 billions de roubles. Plus de 25 billons de roubles sont dus aux ouvriers de l’industrie ; 4,705 billions aux salariés du secteur social et 813 millions de roubles aux travailleurs d’autres branches d’activité. Cette situation touche toutes les régions de Russie. Généralement, la grande presse, et en particulier la « presse moderne » (celle qui encense les réformes libérales) n’aborde pas cette question : des milliers de Russes travaillent gratuitement, subissent une exploitation accrue, dans des conditions proches de l’esclavage parfois, sans que cela n’émeuve outre mesure les médias. Évoquant un fait divers récent au Japon, où un employé, qui n’avait pas été payé depuis trois mois, a incendié son lieu de travail, entraînant la mort de plusieurs autres salariés, la Pravda se demande à quoi ressembleraient les provinces russes si tous les enseignants et salariés de la santé non payés réagissaient de la même façon.

Pourtant, même si la majorité des travailleurs sans salaire continuent de se rendre au travail, la patience de la classe ouvrière russe a des limites. Des protestations ouvrières pour le paiement des salaires commencent à s’organiser à travers tout le pays. C’est ainsi que les travailleurs municipaux de la ville de Yeniseisk (près de Krasnoïarsk) se sont mis en grève pour exiger le paiement de leurs salaires ; l’administration municipale leur a promis qu’ils seraient bientôt payés, sans préciser si ce sera en octobre, en novembre ou décembre. Dans la ville de Vortuka, les transports en commun sont paralysés : deux tiers des travailleurs (soit 59 salariés) sont en grève, et six d’entre eux se sont même mis en grève de la faim depuis le 2 septembre. Le maire leur a proposé de leur verser 4,5 millions de roubles, et de leur payer le reste plus tard. Mais les travailleurs ont refusé ce compromis, et continuent la grève jusqu’à ce qu’on leur verse l’intégralité de leurs salaires. Ils ont également écrit au procureur et au président Vladimir Poutine, sans obtenir de réponse de la part des autorités.

Pour de nombreux ouvriers russes le problème des salaires impayés reste récurrent. S’il y a des protestations dans plusieurs villes, la majorité des salariés non payés continuent de travailler, tentant de survivre par ailleurs, par des boulots au noir ou grâce à leur jardin. Mais c’est peut-être bien une bombe à retardement, qui finira par exploser à la gueule des nouveaux bourgeois et anciens bureaucrates…


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