Accueil > Archives > 2003 (nº 1301 à 1341) > 1337 (20-26 nov. 2003) > [Ode sauvage]

L’alter-missionnaire, une position tendance

Ode sauvage

Le jeudi 20 novembre 2003.

Les affamés du pouvoir travestissent leurs désirs sous les habits les plus divers et au nom de toutes sortes de sornettes. Attisés par les feux grossissants des médias, les alter-miteux du spectacle gesticulent le temps d’un happening, heureux d’avoir laissé une trace dans la boue des dépêches, des flashes, des mises en scène du cirque journalistique. Quand le tintamarre officiel ne suffit pas, les alter-mythomanes singent la désinformation du pouvoir et se désintègrent lorsque les aficionados se font rares, que la mayonnaise manque d’huile, que les effets de tribune les appellent ailleurs. Reprenant les scories des raisonnements, marxisant sur l’économie, chrétiennant sur le politique, voilà nos alter-mités enforumant le monde, alter-noisant leur ignorance, se gargarisant de solidarité imaginaire avec une populace qui becte sa pitance et apporte régulièrement sa force à sa propre oppression.

Recyclant les bourdieuseries et tiers-mondisteries d’hier, les alter-minus d’aujourd’hui édulcorent leur sauce gauchiste de quelques libertoïdes. Ces marxiens en goguette troquent leur dictature du prolétariat contre une dialectique compassionnelle à l’eau de Bouddha, zen attitude et ying-gang transcendantal.

Le pipeau nouveau trace son plan de carrière jusque dans les ministères et autres onuseries, piaffant à la porte des institutions, heureux du nonosse à ronger que ne manqueront pas de lui jeter les politicards avides de jeunes recrues ignardes ou de vieux briscards retors, tous contorsionnistes. Ils sont de toutes les récupérations présentes et à venir, prêts à marchander leurs ralliements circonstanciés dont les thésards feront leur miel sous la houlette des mandarins des idées et leurs cohortes spiritintinesques.

Des situs aux maos en passant par tous les phalanstères troskos, fumistes en herbe et autres alt-héroïnes, ils connaissent la musique. Au pas de loi, au nom de toutes les espérances-carottes au bout de leur bâton de pèlerin en maraude dans le désenchantement humain, pourvoyeurs de croyances et balivernes de l’action, lèche-culs du pouvoir, serviteurs de toutes les compromissions, les altéro-fatigués seront les premiers à quitter le navire qu’ils auront armé de leurs certitudes éternelles avant de nouveaux engagements plus rémunérateurs pour leurs clans. Il leur faut gonfler les baudruches : peuple, nation, république, démocratie ; entretenir les réflexes pavloftiens de classes, alors que seule devrait compter la motivation personnelle de gripper les rouages de l’absolutisme et l’élaboration d’une individualité fraternelle, d’une solitude sociale.

N’ayez peur, l’État ne sera pas sabordé, trop utile pour ces gauchistes, ces ultragogos, criant haro sur le milieu bourge d’où ils sont majoritairement issus et dont ils se gardent bien de renoncer aux avantages transmis par leur docte famille, version actualisée des séjours en usine des maos ou des prêtres ouvriers, d’autres s’occupant des salons boisés théologie de la libération et sermon sur la liberté d’exploiter.

Les curetons de l’alter ont relooké leur bréviaire, en avant pour l’alter-mythologie. Aujourd’hui, ça tisse du lien, ça solidarise, ça développe durable : les raffarinades de l’esbroufe s’essayent à la gestion citoyenne, l’exploitation soft, dans les règles, dans la loi à l’aide d’une démo bien crate affabulée de la potiche populaire ou directe pour embellir cette crasse aliénation politique des atours d’une nouvelle lune, vieille comme l’histoire des gourrevernances…

Ah, point d’individu, que des masses malléables, référendumables, électoralisantes, bien aveugles et bien au chaud au cœur du troupeau dont les nouveaux abattoirs dressés par toute cette mélasse d’apprentis exploiteurs de la gauche à la droite, y compris leurs extrêmes et ultra respectifs, oui, ces nouveaux abattoirs seront immanquablement dénoncés dans dix ou vingt ans comme d’abominables chimères, comme ce jour les ex-maos, gaucheprole et 68tards ayant remisé au placard leurs sanglantes croyances viennent jouer du biniou solidaire, de l’abrutissement citoyen et de l’alter-confusion.

Que de charniers journaliers cachés des sensibilités télétoonesques, que d’hypocrisie dans tout trotskisme, léninifiant ou non, ils se la jouent martyrs et vierges, empoignant les oripeaux libertaires pour mieux les crever.

Mais reste, l’anarchie des sans-grade, des vagabonds de l’esprit, des sans-patrie qui recherchent, supputent, tâtonnent, connaissent, transmetttent, chacun l’histoire de l’infamie et refusent la soumission volontaire par affirmation d’un moi fondé sur rien.

Jean-Denis, FA, liaison Bas-Rhin