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L’EPR, avenir ou crépuscule du nucléaire ?

Le jeudi 20 novembre 2003.

Le nouveau joujou atomique du gouvernement n’est paut-être pas la solution miracle annoncée. Son développement confirme l’engagement de la France dans le tout-nucléaire.



Nicole Fontaine, ministre déléguée à l’Industrie, vient de nous rappeler — à juste titre — qu’elle existait. Elle a en effet présenté à la presse, le 7 novembre, un Livre blanc, sorte d’avant-projet d’une loi sur les énergies. Les débats sur l’énergie prennent une dimension de plus en plus imposante en France.

Cette année, le gouvernement avait mis en place une consultation nationale sur les énergies, vaste opération de propagande. Le mois de décembre verra un débat parlementaire sur la privatisation d’EDF et de GDF. En arrière-plan de tout cela, on trouve les directives européennes en matière de développement des énergies renouvelables (la France accuse un retard sérieux), le renouvellement du parc électronucléaire français et le devenir du service public d’énergies. De quoi s’inquiéter, globalement. Dans son Livre blanc, le gouvernement suit docilement les contraintes européennes en s’engageant sur un développement des énergies renouvelables : crédit d’impôts pour des chauffe-eau solaires, taxes réduites pour les travaux d’isolation, déblocages de fonds pour développer géothermie, solaire et éolienne… Rien ne manque à la panoplie des boy-scouts de Raffarin. Surtout pas le volet nucléaire. En 2020, le parc électronucléaire français (58 réacteurs, 19 centrales) devra être renouvelé. Il produit 78 % de l’énergie électrique (contre 12 % par les énergies renouvelables). Et un nouveau type de réacteur, prototype européen, pourrait devenir le remplaçant de l’avenir.

L’EPR (réacteur à eau pressurisée), de fabrication franco-allemande, semble en effet emporter l’adhésion du gouvernement. Moins cher, plus sûr, et optimisant son utilisation du combustible, il serait, en plus, d’une longévité plus importante que ses prédécesseurs. Il intéresse aussi déjà certains pays comme la Suède. Et il répond aussi aux souhaits du Commissariat européen à l’énergie pour qui la France, en matière de lutte contre la production des gaz à effets de serre et d’indépendance énergétique, est le bon élève.

Pourtant, ce nouveau joujou continuera, comme les réacteurs actuels, à générer des déchets nucléaires et des pollutions liquides ou gazeuses, à être potentiellement très dangereux pour très longtemps (incidents, accidents, terrorisme, catastrophes naturelles, etc.), à concentrer sur lui les efforts et les crédits de recherche au détriment d’énergies renouvelables, à s’entourer d’un voile de mystère pour que jamais les populations ne soient consultées (transports de déchets dans nos communes, quel type d’énergies et pourquoi, etc.) ni que les conditions de sécurité des travailleuses et travailleurs précaires (intérim) de cette filière ne soient forcément améliorées… Quoi d’étonnant à cela ? L’appropriation par des structures privées ou publiques (État, Areva, Cogema, EDF, etc.) de notre avenir est une constance dans le domaine du nucléaire, et depuis longtemps. Ce cercle infernal n’est donc pas prêt d’être rompu. Même si on considère que si l’EPR n’est pas adopté ce serait la fin du nucléaire en France, faute de relève. Mais à quoi bon rêver ?

N’en déplaise aux écologistes dociles pour qui l’avant-projet de la loi sur les énergies permet « d’imaginer un avenir sans nucléaire », la lutte contre le nucléaire reste plus que jamais d’actualité. Ce ne sont pas ces quelques concessions aimables qui nous feront croire en un avenir débarrassé du mensonge scientiste et productiviste qu’est le nucléaire.

En cela, la manifestation du 17 janvier à Paris, initiée par le réseau national Sortir du nucléaire, peut être un bon test de la mobilisation, nous verrons alors qui est rassuré par ce gouvernement. En tout cas pas la Fédération anarchiste qui a déjà décidé de faire partie des opposants à l’EPR et au nucléaire qui défileront dans la capitale. Il faudra sans doute veiller aux velléités de ceux et celles qui, aveuglés par l’objectif à atteindre, ne reculeraient pas devant une sollicitation des nucléocrates de gauche, hier au gouvernement et aujourd’hui très intéressés à mêler leurs voix aux protestataires. Ni rose ni vert ; nucléaire, basta !

Daniel, groupe Gard-Vaucluse