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Déconstruire la masculinité

octobre 2003.

Si nous avons en tant qu’hommes beaucoup à perdre en déconstruisant cette éducation qui fait de nous des dominants par rapport aux femmes, par les bénéfices matériels, psychologiques et sociaux que nous en retirons, nous avons à y gagner de nouvelles relations, de nouveaux rapports sociaux égalitaires, à sortir de cette aliénation, aliénation des individus par la masculinité… Nous avons à y gagner notre libération parce que le système hiérarchique dominant-e/dominé-e est un système qui traverse l’ensemble des rapports sociaux, de classe, de genre (la domination masculine) ou les rapports (néo)-coloniaux, et que l’on ne saurait abolir totalement un rapport de domination sans abolir les autres, puisque ceux-ci sont solidaires.

Notre objectif, en tant qu’anarchistes, est la libération des individu-e-s, libération de la domination et de la norme sociale vers la multiplicité des choix de vie et de comportement, le seul rejet étant celui de la domination et de la contrainte. Cette libération ne se fera pas sans la remise en cause de la masculinité (ensemble de comportements sociaux obligatoires pour le sexe mâle) comme construction sociale aliénante pour les hommes, oppressive pour les femmes. Cette déconstruction, c’est la solidarité que nous pouvons exercer, dans le respect de l’autonomie des luttes, envers la lutte féministe, à partir de notre position sociale d’hommes.

Pour cela, les groupes non mixtes hommes peuvent s’avérer un outil intéressant, s’ils savent créer les conditions permettant de sortir autant d’une logique dangereuse de victimisation des hommes (style « nous aussi nous sommes victimes du patriarcat » qui nie la spécificité de l’oppression des femmes et la réalité d’un rapport social de pouvoir fondé sur des relations dissymétriques, la domination masculine) que d’une logique de culpabilisation et d’auto flagellation sans perspective, ou encore des rapports de compétition entre hommes (le « plus pro féministe que moi tu meurs » présomptueux qui enferme la discussion dans le jugement bouc émissaire et qui empêche les hommes présents de parler de leur vécus, de leur pratiques sans s’enfermer derrière une image lisse et de façade par peur du jugement, ce qui est une condition sine qua non pour avancer).

Il s’agit, en partant de la confrontation de nos vécus et de nos pratiques, de réfléchir collectivement sur les moyens de rompre avec les pratiques que nous percevons comme sexistes. En identifiant la domination dans nos comportements et nos pratiques, sa forme et ses lieux, ses mécanismes, notamment inconscients, en partant de notre position de dominant en ce qui concerne les rapports hommes/femmes, nous pouvons nous donner les moyens d’agir, de remettre en cause nos présupposés, ceux-là même qui souvent sous-tendent les comportements. Nous pouvons travailler des comportements individuels et collectifs, si nous arrivons à rompre avec une atmosphère de culpabilisation (sans par contre rentrer dans la déresponsabilisation ou la négation de l’oppression), à créer une atmosphère d’entraide visant à se tirer les uns et les autres vers le haut, et pas à se rassurer à bon compte en transférant sur l’autre le problème sans s’interroger sur ses propres pratiques.

Il est également important de rompre la solidarité masculine dans le silence face aux situations de violences envers les femmes. Essayer d’intervenir au mieux dans l’espace public, en tant que militants, éducateurs, sans donner des leçons de féminisme bien malvenues aux femmes, en prenant toujours en compte notre position sociale masculine dans la façon dont nous faisons nos interventions, pour que celle-ci interfère le moins possible. Parler, aborder des pratiques différentes en terme de rapports de couples, de jalousie, de possession, de sexualité, avec ses ami-e-s, son entourage. Essayer d’être solidaires. Ne jamais tenir les choses pour acquises et se questionner en permanence sur nos pratiques.

Expérimenter d’autres modes de relations, d’autres pratiques, avec les femmes, entre hommes et avec soi-même, en étant vigilant et en tentant de briser la compétition et le rapport viriliste.

Sam, groupe Durruti, Lyon