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La Domination hétérosexiste, source de l’homophobie

octobre 2003.

De même que la construction sociale des genres crée une hiérarchisation entre les sexes, elle nous impose une hiérarchie des sexualités.



Nous sommes conditionné-e-s pour devenir femme ou homme hétérosexuel-le. L’hétérosexualité est présentée comme la norme sexuelle, reléguant au rang de déviance toute autre forme de sexualité. Cette place de l’hétérosexualité au sommet de la hiérarchie des sexualités constitue la base d’une domination spécifique : l’hétérosexisme.

L’hétérosexisme découle de la différenciation des genres. Être homosexuel-le, c’est ne pas se conformer aux critères imposés par son genre social, c’est une erreur de parcours. Les lesbiennes trahissent le genre féminin en ne se soumettant pas à la nécessité d’avoir un homme viril et protecteur à leur côté. Elles cassent le schéma d’une relation traditionnelle dont l’unique fonction serait de faire des enfants. Les idées « une femme est programmée pour avoir un ou des enfants et ne peut être épanouie sans » ou encore « ne pas être mère passée les 30 ans » suscitent encore incompréhension et remarques négatives de la part de l’entourage social. Être gay, c’est ne pas avoir intégré les valeurs de domination et de violence propres au genre masculin, c’est ne pas être « un vrai mec ».

Ainsi, bien que quelques avancées aient eu lieu dans certains pays pour la reconnaissance des homosexuel-les, les mentalités ont peu changé. L’homophobie est bien présente dans toutes les sphères de la société. Elle est subie par tou-te-s les homosexuel-les quotidiennement et partout. Lutter contre cette homophobie ambiante en affirmant ouvertement son homosexualité dans la rue, au travail ou dans la famille, c’est prendre des risques : moquerie, insulte, rejet, humiliation, coup, voire assassinat. D’où l’obligation pour la plupart de se taire, se cacher ou mentir comme s’inventer un-e partenaire de sexe opposé. Cette attitude révélant un sentiment d’infériorité intériorisé témoigne de l’homophobie culturelle et inculquée partout dès l’enfance : au sein de la famille, de l’école et de la société. Elle entraîne une dévalorisation de soi ainsi que la négation de sa sexualité hors du domaine privé.

Être lesbienne : une double oppression

Dans notre système patriarcal, être femme, c’est subir la domination masculine, et être lesbienne, c’est subir l’hétérosexisme. Les lesbiennes sont donc confrontées à cette double oppression, ce qui explique leur visibilité moindre au sein même du milieu homo. Leur sexualité n’est pas tolérée. Rendez-vous compte : elles peuvent se passer des hommes pour avoir du plaisir ! La sexualité normée réduit le plaisir féminin à la pénétration du pénis dans le vagin. L’homme apparaît donc comme indispensable au plaisir de la femme, qui sans lui ne peut avoir de sexualité. Il est encore et toujours le maître. D’où l’idée communément répandue selon laquelle on devient lesbienne suite à une « mauvaise expérience » avec un homme mais jamais par désir. Ou encore, le cliché active/passive qui sous-entend l’obligation dans la relation sexuelle pour une des femmes de jouer le rôle de l’homme. Cette vision unique et réductrice de la sexualité nie l’autonomie sexuelle des femmes qui grâce au clitoris peuvent se donner du plaisir seules, par la masturbation ou entre elles. Enfin, il est réducteur de considérer que seul le pénis est susceptible de pénétration vaginale ou anale : l’utilisation des doigts, des mains, de la langue ou d’objets (sex toys ou jouets sexuels) est aussi source de plaisir.

Sortir des normes sexuelles

La sexualité hétérosexuelle normée, qui nous est imposée, si elle nie toute sexualité aux lesbiennes, enferme aussi les hétéros dans cette seule pratique sexuelle unique considérée comme « normale » que représente la pénétration. Par celle-ci, les hommes assoient leur domination en ayant une sexualité active et entreprenante, tandis que les femmes doivent se conformer à l’image de douceur et de passivité.

Ce rapport de domination détermine aussi la notion de plaisir. Le plaisir des hommes est considéré comme prioritaire et reste souvent au centre de la relation sexuelle, les femmes devant souvent remettre leur espoir au prochain rapport. Aussi, les hommes trouvent normal de demander à leurs partenaires féminines de les sodomiser sans que le contraire soit même envisagé.

Pour dépasser cette binarité actif/passive, l’une des alternatives serait de questionner le rôle central de la pénétration pénienne avec éjaculation vaginale. Dans une relation sexuelle hétéro, cela peut se faire par l’utilisation de sex toys par exemple. Ainsi, les sources de plaisir sont multipliées. L’homme apprend que son pénis n’est pas l’unique source de plaisir, la femme apprend que le vagin n’est pas le centre de sa sexualité. Si chacun-e peut aussi bien être pénétré-e ou pénétrer, la relation n’en est que plus égalitaire. Une clarification s’opère alors. La pénétration n’est plus synonyme de soumission. De plus, les femmes peuvent aussi se l’approprier. Le discours social autour du phallus est ainsi déconstruit. La relation se joue alors entre deux êtres autonomes aux désirs divers qui ne sont plus prisonniers de leur genre masculin ou féminin.

Pour sortir des carcans sexuels imposés par le patriarcat, la lutte contre l’hétérosexisme est indissociable de celle pour la déconstruction des genres. Elle s’inscrit pleinement dans la lutte anarchiste qui vise l’abolition de toute forme de domination et la liberté pour chacune et chacun de s’épanouir selon ses désirs en dehors des schémas normés.

Vivons notre sexualité autrement et comme nous l’entendons.

Nolwenn