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Révolte au quotidien

La Poubelle est pleine !

Le jeudi 6 novembre 2003.

À défaut, provisoirement, de pouvoir abolir le système capitaliste, il n’est pas inutile de lutter contre ses effets dévastateurs. Les déchets ménagers, d’une banalité quotidienne, peuvent ainsi devenir une arme redoutable pour attaquer le productivisme et la société marchande.

Les découvertes scientifiques et les innovations technologiques, en théorie sources de progrès et de bien-être, sont aujourd’hui tellement asservies à la création de marchés à fort taux de profit que la première question à se poser, à l’annonce d’une nouveauté, devrait être : comment échapper à ce nouveau piège ?

Le capitalisme empoisonne nos vies. Pas simplement en créant sans cesse de nouveaux besoins, donc de nouvelles frustrations, pas simplement en nous imposant un rythme et un mode de vie débilitants, le capitalisme est directement responsable de la mort de milliers de personnes chaque jour dans le monde, que ce soit à cause des mauvaises conditions de travail qu’il impose, au travers des économies locales qu’il détruit entraînant des famines et plus sournoisement par les multiples pollutions que sa recherche du profit maximal génère.

En France, il suffit d’observer les spots publicitaires pour mesurer le gouffre qui sépare les tendances marketing et une approche environnementale des besoins de la population. Promotion de la voiture (ni les bouchons, ni l’ozone, pas même la guerre en Irak ne doivent freiner ce fleuron industriel qui mérite même, à l’occasion, d’alléchantes subventions pour doper les ventes), incitation aux voyages (si possible en avion, dont on ignore les coûts écologiques, pour des destinations de rêve, préservées de toute promiscuité avec les autochtones), produits d’entretien (qui iront gorger les eaux usées de toute la gamme des produits chimiques), foultitude d’objets indispensables que l’on jette dès le premier usage, soit parce qu’ils ne fonctionnent pas ou sont déjà cassés, soit qu’ils sont conçus pour ne servir qu’une fois (l’idéal capitaliste : un marché qui se renouvelle constamment !), etc. Le tout généralement servi sur fond d’égoïsme crasse ou d’humour douteux.

L’expansion capitaliste, la nécessité de croissance économique, si elles ont fait quelques heureux dans les périodes favorables, ont laissé beaucoup de monde sur le carreau. Pire, avec l’explosion de l’industrie pétrochimique, une agression sans précédent du milieu naturel à l’échelon mondial nous amène aux seuils toxiques, que ce soit dans l’air, pour l’eau potable ou la qualité alimentaire des productions agricoles. Les pays industrialisés sont les premiers responsables de cette situation. Cette réalité impose des mesures qui se heurtent de plein fouet aux fondements de la logique capitaliste. Même si nous n’en sommes pas les décideurs, nous participons également à cet impact environnemental, en tant que consommateurs. L’enjeu est de devenir consomm’acteurs.

D’abord en maîtrisant nos achats, en étant vigilant sur leur utilité réelle et leur impact environnemental (toxicité, durabilité, consommation d’énergie, recyclabilité, etc.) avec le souci de réduire globalement notre consommation. Mais bien choisir dans les rayons ne suffit pas, encore faut-il que les vrais choix existent et, mieux, que les produits dont le bilan écologique est désastreux ne soient plus produits. C’est pourquoi l’action des consommateurs, des associations et des syndicats (qu’enfin les ouvriers se mobilisent sur la finalité de leur travail) doit porter en amont sur la production et faire pression pour que des mesures soient prises à la source pour la réduction des déchets, c’est-à-dire une production qui réponde aux besoins de la population plutôt que des multinationales, et respecte l’environnement. Appliquées à la lettre, de telles mesures, dont personne ne peut contester le bien-fondé, vu la situation de profusion des déchets, vont à l’encontre du productivisme, de la sacro-sainte croissance. Mesures plus élaborées, formulées et imposées par la population, à la base, ce sera une remise en cause des hiérarchies de décision, un embryon de collectivisation.

Initiée par les Recycleries et Ressourceries, une semaine de mobilisation associative pour la réduction à la source des déchets s’est déroulée du 20 au 26 octobre. L’occasion de diffuser largement de telles revendications [1], pour quelles deviennent un réflexe quotidien, pour la réappropriation des espaces publics et des choix de société.

Bob, groupe Gard-Vaucluse


[1*Rédigées sous forme de pétition, les mesures de réduction formulées lors des assises de juin en Vendée par les associations opposées à l’incinération sont disponibles : Ici-Rom, c/o Avec, BP 69, 34401 Lunel Cedex.