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Manifestons, existons, circulons !

Le jeudi 18 décembre 2003.

Depuis sa création en 1996, le Comité des sans-papiers du Nord (CSP59) manifeste dans la ville de Lille tous les mercredis soir à 18 heures pour exiger la régularisation de tou.te.s. Depuis l’arrivée du nouveau préfet, M. Richer, particulièrement zélé dans l’application des consignes de Sarkozy, les provocations à l’endroit du mouvement des sans-papiers du Nord se multiplient (agressions par la Bac en fin de manif, contestation d’accords de régularisation obtenus de haute lutte et, bien sûr, calomnie permanente). Dernière agression en date : la mise en examen de Roland Diagne, coordinateur du CSP59, pour organisation de manifestations illégales sur la voie publique. Ce dernier avait reçu personnellement un avertissement fin septembre à ce sujet, le comité a alors publié une déclaration avertissant que le CSP59 manifesterait tous les mercredis soir de la place de la République à son local jusqu’à régularisation de tou.te.s les sans-papiers. Deux mois plus tard, Roland Diagne était mis en examen et comparaissait devant le tribunal de grande instance de Lille le 9 décembre.

Le procès a été l’occasion d’un rassemblement de soutien réunissant environ 500 personnes devant le TGI durant toute l’après-midi. À l’intérieur se succédaient les témoignages de militant.e.s rappelant combien il était courant de manifester sans autorisation sans que cela n’inquiète personne (souvenons-nous du 21 avril 2002). Finalement, au terme d’un procès ubuesque où même le président du tribunal semblait s’interroger sur l’incongruité du chef d’inculpation, la relaxe a été prononcée sur le fond.

Nous avons diffusé le tract suivant à cette occasion.



Malgré la « disparition » des 100 000 personnes qui défilaient dans Paris en 1996 contre les lois Debré (toujours en vigueur), les collectifs de sans-papier.e.s poursuivent leur lutte pour la régularisation globale et l’abrogation des lois racistes. Ils obtiennent, au gré de l’état du rapport de force avec les préfectures, des régularisations plus ou moins nombreuses avec des titres de séjour toujours précaires (jamais de carte de dix ans).

Les sans-papier.e.s en lutte, comme tous les mouvements sociaux, cons truisent ce rapport de force dans la rue. Les manifestations hebdomadaires du CSP59 depuis sept ans en sont l’expression. En occupant l’espace public chaque mercredi, les sans-papier.e.s rendent visible aux yeux de tou.te.s leur mouvement et ses revendications, que les gouvernements de droite comme de gauche occultent du débat public. Sortir de l’ombre en occupant la rue, c’est aussi refuser le statut de clandestin imposé par l’État, c’est crier la liberté de vivre et de s’exprimer où bon nous semble. En criminalisant les militant.e.s et les sans-papier.e.s, l’État cherche à museler cette expression en multipliant les procès pour des motifs souvent saugrenus au regard des faits. Refusons que quiconque nous impose où, quand, ni comment manifester !

à bas les frontières nationales ! à bas les frontières sociales !

En enfermant dans des lois notre liberté de manifester (encadrement policier systématique), ce sont de nouvelles frontières qu’on nous impose.

La domination étatique se fonde sur les notions de frontières, de citoyenneté, de nation comme conditions indispensables à la survie du groupe national. Cette idéologie repose sur l’enfermement sur soi, la peur et donc l’exclusion de l’autre et la discrimination. La fermeture des frontières, l’exploitation de l’étranger.e avec ou sans papiers sont les formes d’un racisme omniprésent inhérent à la conception d’état-nation.

Pour lutter contre ces formes visibles de l’oppression étatique, c’est bien plus qu’une rupture dans la politique d’immigration qu’il faut exiger. Si l’immigré.e ne disposant pas de compétence spécifique n’est plus officiellement le/la bienvenu.e chez les riches, les sans-papier.e.s font bien leur affaire : l’étranger.e source de profit a toujours la cote dans le système capitaliste.

Taillable et corvéable à merci, cette main-d’œuvre bon marché (non déclarée, sans protection sociale ni revenu minimum) sert la délocalisation sur place, dont les économies nationales ne peuvent se passer. La persistance de l’exploitation des sans-papier.e.s est non seulement causée mais voulue par le système capitaliste et l’État qui le sert.

Les frontières sont faites pour être fermées. Il ne faut pas vouloir les ouvrir, mais lutter pour les supprimer parce qu’elles sont les instruments de l’oppression économique, sociale et morale que nous subissons tou.te.s. Il ne faut pas seulement vouloir des papiers pour tou.te.s, mais pas de papiers du tout !

L’urgence est à la construction du rapport de force avec les sans-papier.e.s en lutte face au racisme d’État. Nous devons soutenir tou.te.s les sans-papier.e.s qui s’organisent, sur tous les terrains : renforcer leurs mobilisations, dénoncer toutes les formes d’arbitraire (suspicion systématique, contrôles d’identité, arrestations, etc.) et d’exploitation, organiser la résistance aux expulsions dans les aéroports comme devant les centres de rétention.

Non à la criminalisation du mouvement social !

Liberté de circulation et d’installation pour tou.te.s !

GROMÉLIFA (GROupe MÉtropole LIlloise de la Fédération anarchiste)