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Pour le string !

Le jeudi 23 octobre 2003.

Le feuilleton engendré par le port du foulard à l’école n’est pas fini et paraît même vouloir durer longtemps. On entend et on lit tout et son contraire. Le quotidien Le Monde (daté du 17 octobre) consacre deux pleines pages à la question avec un parti pris globalement favorable. Un article y considère même le foulard comme relevant de la liberté d’expression et les jeunes filles voilées comme victimes de l’intolérance, non pas de l’intolérance des imams, mais de celle des enseignants !

Mais certains cherchent des « solutions », et on voit toutes sortes d’idées apparaître. On nous dit que le retour de l’uniforme est une hypothèse, on nous annonce que certains lycées ou collèges amendent leur règlement intérieur concernant l’apparence vestimentaire… Ici on interdit les baskets, là le string apparent… et un peu partout les couvre-chefs. Et puis quoi encore ? Est-il raisonnable de mélanger les victimes de l’obscurantisme religieux avec les victimes de la mode ? C’est faire preuve d’un certain manque de discernement à moins que ce ne soit d’hypocrisie… Bien sûr, l’affaire n’est pas facile à gérer, il s’agit d’un conflit délibéré et il faut savoir y faire face. Il est douteux qu’on s’en sorte par la lâcheté ou l’hypocrisie.

L’intolérance ou la tolérance

On peut entendre — dans des termes quasi similaires de la part de la FCPE et de la FSU — que priver les jeunes filles de collège ou de lycée, c’est les priver d’une ouverture sur le monde qu’elles n’auront pas dans une école confessionnelle. C’est l’argument « réaliste » de service, l’argument qui évacue le problème, à savoir que la plupart des musulmanes ne portent pas le foulard, mais seulement celles qui sont endoctrinées par les pires obscurantistes. Qui peut défendre qu’une adolescente n’est pas influençable ? Faut-il croire le discours qu’elles ont toutes appris par cœur (la « ligne de défense » que l’on entend à chaque nouvel épisode du feuilleton), à savoir qu’elles ont choisi seules et de leur plein gré de porter le foulard ? Ce serait tomber dans le piège du bourrage de crâne.

La réalité est toute autre. Le foulard n’est pas plus musulman que le thé ou tout ce qu’on voudra. Il est le signe d’une soumission non pas à Dieu comme les religieux le font croire aux jeunes filles mais aux hommes. Le foulard ne vient pas seul, il est associé à nombre de privations de libertés. Cela va parfois jusqu’au mariage arrangé… Chacune des parties reproche à l’autre son intolérance : intolérance par rapport à la liberté religieuse contre intolérance religieuse. Il est visible que c’est dans le camp de la laïcité qu’on trouve le plus d’aptitudes au compromis. L’ennui est qu’en l’occurrence, le compromis est une défaite non seulement contre la vague d’islamisation qui en temps opportun pourrait apparaître sous la forme d’un parti politique mais dans l’immédiat défaite par rapport à l’égalité des sexes.

Interdire le string ?

Bien sûr, on peut déplorer le caractère commercial de la mode, effectivement bien loin d’enchanter les anarchistes… Pour autant, une société libertaire ne saurait rendre l’uniforme obligatoire… et il est inimaginable de faire disparaître tout phénomène de mode, a fortiori vestimentaire. Faire disparaître le profit est autrement plus intéressant ! La mode est au string ? Pourquoi interdire le port du string à l’école ? Bien sûr celui-ci entre dans un processus de séduction… et alors ? De quoi se mêle-t-on ? D’ailleurs, les frimas commencent à le cacher… l’interdire paraît d’autant plus absurde. Un autre phénomène de mode semble donc être le retour des années soixante avec leur ordre moral ringard…

Tout se passe comme si, en effet, certains nostalgiques voulaient nous y ramener, mais est-ce bien nécessaire de nous vanter les mérites de la non-mixité des écoles, de la « valeur du travail », dans son sens moral (?) bien sûr, pas dans son sens marchand…

Les années soixante se sont terminées par un grand vent libertaire. Et si nous n’attendions pas la fin des années 2000 ?

Le Furet