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Le Port du voile est à replacer parmi les autres pratiques sexistes

Le jeudi 15 janvier 2004.

La question du port du voile, à autoriser ou non à l’école, est, en fait, un problème, non pas essentiellement religieux, mais surtout sexiste, car portant sur la place de la femme dans la société. Le voile est le symbole d’une certaine réclusion de la femme qui devrait cacher son corps. C’est un héritage des sociétés patriarcales et tribales du passé, dont viennent la plupart des religions et qu’elles ont fait perdurer. L’évolution de la civilisation européenne a permis de nos jours à la femme d’avoir le droit de s’habiller comme elle veut, éventuellement comme un homme, sans avoir à cacher plus que lui certaines parties de son corps. Ce qui est nouveau car, il n’y a pas si longtemps, les chrétiennes ne pouvaient entrer dans les églises que la tête voilée, et, au nord de la Méditerranée, la plupart des paysannes avaient le corps longuement vêtu de noir…

Aujourd’hui, donc, il s’agit de réprimer certaines pratiques réintroduites par des intégrismes religieux venus de pays où l’on continue à pratiquer des usages dont l’Europe a libéré la femme. Il convient donc d’affirmer cette émancipation et cette autonomie de la femme comme une valeur tendant à l’universalité, en proclamant clairement les huit points suivants :

1° Le droit de montrer son corps. Si l’émancipation de la femme fait qu’on ne peut empêcher une femme majeure de s’habiller comme elle veut, y compris de porter un voile proclamant implicitement : « Je suis esclave », il reste deux limites à cette faculté :

  • D’abord, en dessous de dix-huit ans, pour tous les enfants, filles ou garçons, la prescription à l’école publique de n’arborer aucun signe ostensible religieux, idéologique, communautaire ou ethnique, et il faudrait ajouter commercial (de publicité des marques), ce qui doit, pour les mineurs s’exercer dans toute leur vie publique,
  • Ensuite, étendre la même prescription à toutes les femmes et à tous les hommes exerçant des fonctions dans les entreprises publiques. Ce qui n’empêche pas les écoles privées, comme les entreprises privées, d’édicter chez elles les mêmes obligations.

2° Le droit pour filles et garçons, femmes et hommes, de partager les mêmes espaces, ensemble aux mêmes moments : selon le principe, relativement récent, de la mixité de l’école, qui s’applique dans les classes comme dans tous les espaces de loisirs, jusqu’aux gymnases, stades et aux piscines qui doivent être accessibles à tous aux mêmes heures.

3° L’obligation pour les filles de recevoir, aux côtés des garçons les mêmes enseignements dans toutes les matières inscrites aux programmes d’éducation, depuis le sport jusqu’aux sciences naturelles et à l’éducation sexuelle.

4° Le droit pour les membres des deux genres d’exercer les mêmes fonctions, publiques et privées, sans contestation possible, par exemple dans les services médicaux, et sans différences de salaire. Et en veillant à ce que la parité soit respectée dans la représentation publique. Rappelons que, à l’instar de l’islam, toutes les religions en général, jusqu’à présent, réservent aux hommes les fonctions de prêtrise en n’autorisant les femmes qu’à être nonnes ; et que seules certaines communautés protestantes ont commencé à dépasser ce tabou.

5° L’interdiction formelle et soumise à sanction grave de toute mutilation sexuelle des filles (excision) destinée à les priver de jouissance physique. Y compris la poursuite des auteurs de ces mutilations et des familles qui les font opérer à l’étranger.

6° La poursuite de toutes les violences familiales, autorisées par certaines religions : des maris sur leurs épouses, des garçons sur les filles, ou des aînés sur les plus jeunes ; comme des menaces de violence et injures dans les lieux publics visant l’égalité entre femmes et hommes.

7° La poursuite des organisateurs de mariages sans consentement des intéressés, soit convenus à la naissance, soit « arrangés » à l’adolescence par les familles, et parfois conclus à l’étranger. Le droit de chacun, homme ou femme, de choisir son conjoint et de refuser toute union imposée est imprescriptible, de même que le droit de trouver ce partenaire hors du cercle familial, clanique, tribal, social, communautaire ou national.

8° La non-reconnaissance de la polygamie, conclue à l’étranger, et le droit exclusif de chaque femme de disposer des avantages sociaux attachés à ses propres enfants, qui ne doivent en aucun cas bénéficier à un époux prétendu commun. Comme l’invalidité de toute répudiation, ceci en vertu de la prévalence absolue du droit du pays de résidence sur le droit du pays d’origine.

Toutes ces mesures doivent toucher l’ensemble des populations, musulmanes ou autres, originaires de pays qui n’ont pas encore admis pleinement l’émancipation et l’autonomie de la femme.

Car le simple fait de venir vivre en Europe implique nécessairement d’adopter les droits qui s’y exercent et de se voir interdire de pratiquer des usages patriarcaux, claniques, tribaux à connotation sexiste et machiste qui peuvent régner ailleurs, comme ce fut le cas aussi en Europe, depuis la préhistoire jusqu’à leur disparition assez récente. Et les jeunes filles comme les garçons, dont les parents sont venus d’ailleurs, doivent apprendre qu’en Europe le statut de la femme est le même que celui de l’homme et agir en conséquence pour le faire respecter.

Roland Breton, groupe Francisco-Ferrer de la Libre Pensée du Pays d’Aix-en-Provence