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Pépito est parti

Le jeudi 15 janvier 2004.

Y’en a pas un sur cent et pourtant ils existent, et leur disparition laisse incrédule et meurtri… Pépito Segura était fils d’Espagnols arrivés en Lorraine au temps où Franco massacrait les anarchistes tandis que les forges de Wendel avalaient les prolos. Il n’a rien oublié, mais il a choisi de rester gai et combatif. À l’heure des révoltes de la sidérurgie, il a choisi son camp, celui du combat sans compromission. Il faisait le poids, Pépito, tronçonnant tranquillement les barrières de péage au fer à souder, incarnant la colère lorraine à Paris, pulvérisant d’un coup de godasse de sécurité un insigne facho dans un atelier médusé. Il en imposait aussi par sa culture, sa finesse, son insatiable envie d’apprendre et de partager. Épris de liberté, il a apporté à Radio Beffroi, la radio libre de Thionville, son énergie et sa faconde. Mais l’ouvrier licencié a dû quitter un bassin sidérurgique sinistré. Il a poussé très loin sa formation pour répondre à des promesses de reconversion qui se sont avérées mensongères. Alors, courageusement, il s’en est sorti par ses propres moyens, remontant, avec sa femme, une petite pizzeria à Asnières. Rencontrer Pépito, c’était rencontrer une famille — la sienne, qu’il chérissait, celle de ses camarades de combat, celle des amis de tout poil et de tous horizons. C’est un ami fidèle, une montagne de chaleur et de vie qui nous quitte et nous manque. Salut à toi, Pépito. 55 ans, c’était vraiment trop tôt et nous serons nombreux à te regretter.

Pascale Choisy