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éditorial du nº 1344

Le jeudi 29 janvier 2004.

Connaissiez-vous cette tradition allemande qui consiste à cacher à l’arrière de la voiture familiale un rouleau de papier toilette dans une sorte de bonnet-chapeau le plus kitsch possible ? Tendre pudeur, délicatesse ironique qui réchauffe un peu nos cœurs en ces temps de merde.

Et voilà peut-être une bonne idée à étendre un peu partout. Imaginez nos bouffons de politiciens dissimulés sous ces bonnets avec un pompon tout beau. Faites comme bon vous semble, détruisez nos vies, étouffez nous avec vos lois, jouez à la farce électorale, mais — que diable ! — arborez ce nouvel insigne. Faudrait quand même pas qu’en plus de tout nous soyons obligés de vous prendre au sérieux !

Aujourd’hui, c’est au tour de Perben de revenir sur la scène avec sa loi. Déjà que nous faisions que peu de compliments à notre justice bourgeoise, la voilà clairement orientée vers le tout répressif. Le pouvoir de l’accusation augmente de manière considérable avec ce projet. La présomption d’innocence prend l’eau, les procureurs et les services policiers quant à eux exultent de joie. « Plaidons coupable ! » qu’ils nous disent. C’est qu’il ne faudrait pas encombrer les couloirs du Palais. Ceux de la prison, par contre, personne ne semble s’en soucier. C’est vrai que, derrière les murs, peu importe ce qui s’y passe pourvu qu’on y brise loin des yeux du brave citoyen.

Une des règles de nos temps post-modernes est d’ailleurs peut-être là. Garantir à notre brave citoyen une vie sans encombre : naître soumis, mourir soumis… Que l’on vienne pas toucher à ton os que tu ronges fièrement : tu l’as mérité au prix de ta sueur d’esclave. Tous les moyens sont bons tant que l’on vienne pas troubler ta tranquillité. Ta collègue se fait harceler au boulot. Peu importe, cela ne se passe pas dans ton bureau. La copine de ta fille ne peut plus aller à l’école. Peu importe, ta fille, elle, n’est pas voilée et a de bonnes notes. Fodé, ton pote avec qui tu prenais ton jaune sur le marché, s’est fait contrôler un dimanche et tu ne l’as plus revu. Peu importe, il était louche quand même. Mais t’étonnes pas si à ton cou tu vois une laisse.

Même les joints ont un goût fade, de l’ordre du pathétique. Qu’il serait doux d’aller batifoler le long des écluses et partager l’ivresse des bohémiens, comme chantait l’autre. Mais là encore, ce temps, s’il a existé, est révolu. Les caravanes des tziganes sont à chercher plutôt du côté des terrains à l’abandon sous les bretelles d’autoroutes.