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Fédéralisme contre démocratie

Le jeudi 4 mars 2004.

Les anarchistes ne présentent pas de candidats aux élections et, en principe, ne votent pas. C’est un truisme de l’écrire ici. Les raisons immédiates — et très valables — en sont souvent évoquées : rejet des politiciens, de leurs partis et de leurs fausses promesses, refus de « cautionner » le système existant, etc. Ce sont des positions morales, en ce qu’elles tiennent à la dignité de l’abstentionniste principalement, plus qu’à une intervention pratique sur le devenir du monde.

Pourtant, l’insoumission électorale ouvre des portes sur l’avenir. Non comme une arme, mais parce qu’elle témoigne du projet social dont nous sommes porteurs : le fédéralisme, et de l’état que nous repoussons : la démocratie. La propagande abstentionniste devrait être, avant tout, celle du monde nouveau contre l’ancien.

Tous les défauts

La démocratie, comme système politique, part du principe que tous les habitants d’un secteur donné peuvent et doivent faire connaître leur avis, et décider de tout ce qui s’y produit dans la sphère publique. Pour des raisons évidentes, il faut passer par des élus, des représentants. Mais les électeurs ne votent pas sur ce qui doit être fait, sur un contenu, mais sur celui qui va décider ce qui doit être fait.

Puis, le système parlementaire est entièrement doublé d’un système administratif : préfets, hauts fonctionnaires de toutes sortes. Et, en pratique, l’application des décisions prises repose sur leur bonne volonté. Un projet qui ne convient pas à l’administration peut être torpillé, dès en amont, par la façon dont l’information nécessaire à sa réalisation est présentée. En aval, par l’inertie légendaire des corps de l’État. Les prochaines élections ne sont jamais loin…

Enfin les élus sont amenés à fréquenter assidûment tout une foule qui n’a rien de populaire, toute une bande de notables. Ce qui fait que, lors même qu’ils sont issus de milieux prolétaires, l’influence s’en trouve amoindrie au profit de celle des riches et des puissants.

Notons que, dès qu’on atteint un niveau où existe un petit début de pouvoir, la lutte interne aux partis politiques et les contraintes des campagnes électorales donnent une prime à la bassesse, à la trahison, aux amitiés douteuses, etc. Les « purs » n’arrivent pas en haut des listes et ne sont pas élus. Restent les crapules…

De l’autre côté

Le fédéralisme libertaire, lui, pose le principe : chacun se mêle de ce qui le concerne, et dans la mesure où cela le concerne. Ce qui implique, en lieu et place d’une vaste consultation tous les cinq ou six ans, suivie d’un brouillard opaque, une multiplicité de décisions à petite échelle, prises en commun par les intéressés.

Les attributions des institutions à vaste compétence, comme les assemblées régionales, nationales, européenne — si même elles subsistent — se trouvent donc très réduites, leurs sessions épisodiques.

Il va de soi que les délégués sont munis d’un mandat impératif : on ne vote plus pour un individu qui sait ce qu’il faut décider, mais pour un contenu précis, l’homme ayant obligation de défendre ce mandat dans les discussions et les votes. La révocabilité des élus en découle, évidemment.

D’autre part, la société fédéraliste repose sur la notion de contrat, et non plus sur celle de loi. Il n’y a pas de séparation des pouvoirs, législatif et exécutif — lesquels n’existent plus. Ceux qui appliquent les décisions, à tous les nivaux, sont ceux qui les prennent. Il n’existe plus de haute administration permanente, plus d’État. Le fédéralisme vrai ne se concevant pas sans égalité économique, et le pouvoir lié à la fonction et à sa permanence ayant, dans l’ensemble, disparu, on peut tabler sur une rotation rapide des élus, ce qui limite la corruption.

Vers la liberté

On le voit, notre projet va infiniment plus loin qu’une question de vote. Il s’agit d’un changement très profond des institutions, ou, plus exactement, du remplacement de ce qui est institutionnel par une organisation fluctuante, dont chaque construction ne dure que le temps de sa nécessité. Notre message ne peut se réduire au refus des élections : nous voulons faire partager au plus grand nombre notre projet de libération. L’abstention en vient comme une conséquence naturelle, logique.

La transformation de la société sera le fait de l’insurrection des laborieux contre les puissants. Notre tâche urgente est donc de distiller l’Idée fédéraliste et égalitaire dans les larges masses, d’y impulser des pratiques autogestionnaires.

Dès lors, entretenir l’habitude de la délégation démocratique, c’est aller contre nos propres buts. Présenter ou défendre des candidats, c’est fouler aux pieds la confiance, si nécessaire et aujourd’hui si rare, que les classes ouvrières peuvent avoir en elles-mêmes. C’est leur nier la capacité politique. L’arme du prolétariat, c’est l’action directe ; sa Constitution, c’est le fédéralisme. Toute politique électorale est ennemie de l’émancipation humaine.

Max Lhourson


Les anarchistes et les élections


Réunion publique organisée par le groupe libertaire d’Ivry (FA)

mardi 9 mars, à partir de 20 heures

Forum Léo-Ferré, 11, rue Barbès à Ivry

M° Porte-d’Ivry ou Pierre-Curie