Dans Le Monde libertaire nº 1350 est paru un texte à charge contre les éoliennes. La mise au point qui suit ne vise pas à ériger les éoliennes en panacée mais juste à remettre à leur juste niveau certains arguments tendancieux utilisés par l’auteur et par d’autres qu’on trouve en partie exprimés par ailleurs chez des associations anti-éoliennes (vent de colère) et… pro-nucléaires.
D’un côté, l’auteur semble déplorer que l’installation d’éoliennes ne soit pas encadrée par nos politiques de contours nets, au profit du laisser-agir libéral. L’appareil d’État devrait-il donc avoir cette vertu ? Pour notre part, nous préférons que ce soit la population qui exprime directement ses besoins en connaissance de cause sur les impacts sociaux et écologiques qui en découlent.
De l’autre côté, l’auteur reconnaît que le dépôt du permis de construire exige les documents relatifs à l’impact sur les riverains et sur les paysages, suivi d’une enquête d’utilité publique. L’auteur regrette aussi que les maires ne se déplacent pas vers les populations alors que plus loin il évoque les réunions publiques obligatoires organisées par les mairies. Serait-ce un vent de contradictions ?
Ce texte nous oblige à faire référence à la loi et effectivement, l’article 98 de la loi urbanisme et habitat nº 2003-590 du 2 juillet 2003 soumet les projets dont la puissance est supérieure à 2,5 MW à une étude d’impact avec obligation d’une enquête publique. La loi nº 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie a introduit un cadre juridique pour traiter et instruire les questions d’urbanisme, d’évaluation environnementale et de participation du public liées au développement de projets éoliens. De plus, la circulaire du 10 septembre 2003, signée par Bachelot, De Robien et Fontaine, relative à la promotion de l’énergie éolienne terrestre comble légalement le dispositif et l’ensemble des procédures à suivre, avec de surcroît incitation et recommandation pour la mise en place de chartes régionales et départementales. De fait, l’article paru récemment aurait eu bien plus de pertinence s’il avait été rédigé l’an passé, car les maires avaient bien davantage les coudées franches avant le 1er janvier 2003.
– Les éoliennes sont des installations industrielles et doivent faire l’objet d’études d’impact environnementales, paysagères et humaines. C’est une évidence. N’est-ce pas d’ailleurs un scandale qu’aucune de ces études n’ait été réalisée pour le nucléaire (allez voir La Hague vue de mer, les nuages au-dessus de Golfech, ou de la vallée du Rhône du côté du Bugey…) ?
L’auteur dénonce en long et en large le site éolien de Plougras, dans les Côtes d’Armor, pour lequel tout le monde s’accorde à le juger comme une erreur. Mis en place par une filiale d’Aréva, certains y voient même une intention malveillante volontaire contre l’éolien en faveur du nucléaire. En fait, il s’agit d’un prototype qui ne fait pas ses preuves et qui témoigne du retard considérable de l’industrie française dans ce domaine. Plusieurs pro-éoliens estiment même qu’il faudrait la démonter tant on nous assène systématiquement, telle une scie, ce contre exemple unique pour le moment en Bretagne. Face au bruit, décision a été prise de ne faire tourner ces éoliennes que la nuit. L’entreprise travaille d’ailleurs toujours dessus pour en réduire les aspects négatifs.
Par sa fixation sur Plougras, le texte de Guy Darol nous interroge : pourquoi ne pas parler de Plouyé ou de Goulien par exemple, deux communes du Finistère, où le bruit n’indispose pas le voisinage ? Pourquoi ne pas relater qu’une des motivations non négligeables des collectifs d’opposants qui se mettent en place est la peur de la perte de la valeur des propriétés ?
Que Guy Darol se rassure, « la prolifération éolienne » qu’il semble craindre, est stoppée dans l’œuf par les préfectures… qui paraissent lui préférer encore et toujours celle des extensions de porcheries, malgré les lois sur l’eau.
Dans le Morbihan, se dressent aussi des collectifs anti-éoliens. Dans un communiqué, le Réseau 56 tient à rappeler que l’éolien, tout comme l’hydraulique, fait partie des moyens de production d’énergie électrique qui ont le plus faible impact sur l’environnement : les éoliennes ne mobilisent que des matériaux recyclables pour leur construction et elles ne produisent pas de déchets, qu’ils soient solides, gazeux (effet de serre) ou radioactifs. Cette source d’énergie a, de plus, l’avantage d’être inépuisable puisqu’elle ne dépend que du vent et donc indirectement des apports énergétiques du soleil, ce qui n’est pas le cas des sources d’énergie fossiles comme le charbon, le pétrole, l’uranium…
Les « nuisances » évoquées par les opposants sont sans commune mesure avec son impact sur la durabilité de l’environnement :
- La dévaluation du patrimoine est contredite par la dernière enquête de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe) qui révèle l’absence d’incidence sur le prix moyen des habitations situées aux alentours d’éoliennes. Cette même étude indique que 95 % des Français sont pour le développement de cette énergie et 86 % favorables à l’implantation d’éoliennes sur leur commune.
- L’impact paysager est très subjectif. Que dire des silos, des châteaux d’eau, des lignes à haute tension, des pylônes de télécommunication qui poussent un peu partout sans aucune considération esthétique. Notons par ailleurs que les lignes et pylônes produisent des champs électromagnétiques et radioélectriques dont les effets sur la santé humaine nourrissent de sérieuses controverses. Au contraire, les moulins à vent modernes que sont les éoliennes ne posent pas de tels problèmes : l’évacuation de l’énergie se fait en moyenne tension et par lignes enterrées.
- Le bruit des éoliennes modernes est difficilement perceptible à quelques centaines de mètres. De plus, la législation est très stricte : émergence maximale à l’extérieur des habitations de 3 dB la nuit et 5 dB le jour, alors qu’une conversation à voix basse est de 35 dB.
Les arguments développés par les opposants sont pour le moins curieux quant il s’agit de faire porter sur l’éolien les pollutions d’autres sources d’énergie (thermique) en raison de son « incapacité » à pourvoir aux besoins ! C’est oublier que tous les experts s’accordent pour estimer que la France pourrait réduire sa consommation électrique à confort égal de 30 à 50 % par une politique rigoureuse d’efficacité énergétique. C’est oublier que toute la production destinée au chauffage électrique provient de centrales thermiques qu’il faut rallumer l’hiver… C’est oublier que dans 45 ans la quasi-totalité des sources d’énergie primaire (pétrole, gaz, uranium…) seront épuisées et qu’il faudra bien recourir aux renouvelables ! Confondre rendement et disponibilité, et en oubliant que les sources d’énergie renouvelable sont multiples et variées, conduit à des calculs hasardeux permettant d’annoncer péremptoirement des « milliers et des milliers » d’éoliennes ! Il y a d’autres chiffres bien plus éloquents : en 1800, il y avait en France environ 20 000 « moulins à vent »… aujourd’hui il y a 240 000 pylônes électriques haute et très haute tension.
Le débat sur les éoliennes a le mérite de montrer la nécessité de disposer d’une charte pour que tous les systèmes de production et de distribution d’énergie prennent réellement en compte la santé, l’habitat et l’environnement tant naturel qu’esthétique. Le Réseau 56 Sortir du Nucléaire suggère, pour apaiser les méfiances, la visite d’un parc éolien existant. Se rendre à Goulien, et profiter de l’occasion pour interroger les animateurs de la réserve ornithologique, située entre la mer et les éoliennes, sur l’impact faunesque et floristique des aérogénérateurs, serait sûrement une bonne idée.
Plus précisément, les études commandées par exemple à Bretagne Vivante ont permis de déplacer des implantations car situées sur des couloirs de migrateurs et pour le reste ont montré un faible impact sur l’avifaune. Il est toujours d’autant plus « amusant » de voir ce souci soudain pour les oiseaux alors qu’on peut s’interroger sur les préoccupations des opposants quant aux massacres d’oiseaux par les lignes THT et à l’hécatombe des marées noires ?
L’éolien terrestre est un petit éolien qui n’intéresse que très peu les multinationales… Regardons plutôt du côté des pétroliers en voie de reconversion sur l’éolien off-shore, qui bien que ne bénéficiant pas de subvention, sera plus rentable que le nucléaire. Regardons du côté du projet de réacteur EPR et ses 3 milliards d’euros, du côté de Georges-Besse 2 (la nouvelle usine de combustibles à 3 milliards d’euros) ou d’ITER (30 milliards…), contre lesquels il est important de se mobiliser. Regardons qui finance et à qui ça rapporte. A l’inverse, l’éolien a au moins le mérite de mieux distribuer la manne « énergie » sur le territoire sous forme de Taxe Professionnelle locale, de location de surfaces agricoles, d’emplois… Mais, il ne sera pas dit ici que l’éolien est l’alternative magique au nucléaire. Il en est un des éléments. Il faudra bien s’interroger sur la consommation d’énergie et sur les choix industriels dont celui du complexe-militaro-industriel et du tout automobile.
En tout état de cause, une erreur d’implantations d’éoliennes, toujours possible, peut se résoudre techniquement, quitte à les démonter, tandis que démanteler une centrale nucléaire…
Stéf@