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Débats en tous genres

Le jeudi 15 avril 2004.

Question soleil, le mois de mars n’est jamais très généreux. Enfin bon, il n’y a ni temps ni saison pour aller siroter sa mousse au troquet du coin avec les copains et les copines. En province aussi on a nos bars populo, et c’est avec plaisir qu’on retrouve Mimi pour aller étancher notre soif au Mauriennais.

On aime bien discuter avec Mimi, il dit pas que des conneries et il aurait même des côtés franchement anars quand il parle d’abolition de l’État et du capitalisme. Parfois même, il achète Le Monde libertaire, histoire d’avoir du grain à moudre pour les discussions de comptoir. Et aujourd’hui justement, c’est en rebondissant sur un article paru dans le numéro 1350 qu’il nous relance sur le féminisme, et en particulier le concept de genre.

« Ils nous les brisent un peu, les féministes radicaux avec leur genre. Dire que l’individu à la naissance aurait le choix de devenir homme, femme ou autre, eu égard à la société, c’est quand même nier les différences fondamentales entre hommes et femmes, comme par exemple… (il dirige son regard vers son bas-ventre). D’accord pour le féminisme, mais faudrait voir à pas me faire passer pour ce que je suis pas. Et puis d’abord, l’égalité des sexes, je vois pas trop à quoi ça correspond. L’abolition des classes, la révolution sociale, ça, ça me parle, le reste en découle forcément, comme la place de la femme dans la société, par exemple. Il n’en reste pas moins que l’homme et la femme sont différents, tout au plus complémentaires. »

Mimi, quand il parle de féminisme, il est tout de suite moins drôle. Remettre en cause des pans entiers de son éducation morale, allant même jusqu’à se faire débaptiser et tout, et tout, et camper des positions défensives dès qu’il s’agit de remettre en question son identité de mâle, c’est tout lui, ça. Nous sommes plusieurs à monter au créneau :

« Faudrait voir à pas tout confondre. Il n’est pas question de contester les différences biologiques entre filles et garçons. Il s’agit de faire la distinction entre sexe biologique et sexe social. Le sexe biologique, pour toi Mimi, c’est ce qui te permet de faire pipi debout. Le sexe social, c’est ce qui fera par exemple qu’on mettra des pantalons aux individus de sexe biologique masculin et des jupes aux individus de sexe féminin, c’est ce qu’on appelle aussi le genre. Ça paraît bête comme ça, mais c’est le genre en tant que norme qui fait qu’on attribue à tort à l’homme et à la femme une nature (homme actif et viril, femme passive, douce et soumise).

 » D’ailleurs on retrouve cet amalgame sexe biologique/sexe social dans des pseudo-théories scientifiques pour justifier de l’infériorité sociale de la femme…

 » Parler de complémentarité homme/ femme relève de la même confusion. La complémentarité entre des individus, ça, ça a du sens, mais une complémentarité homme/ femme, ça supposerait qu’un individu aurait des caractéristiques inhérentes à son sexe biologique. Ce qu’il convient de réfuter si l’on veut lutter contre le système patriarcal, et tant pis s’il faut pour cela se faire taxer de radical.e.

 » Et puis, franchement, le coup de la révolution sociale qui entraînerait de fait la disparition des rapports inégalitaires homme/ femme, c’est un peu gros. Ça revient à dire “Attendez les filles, nous (les hommes) faisons la révolution, et après seulement vous serez libérées du carcan social.” On parle de 18 % de femmes engagées dans des structures militantes alors qu’elles représentent 52 % de la population. Si là, déjà, il n’y a pas un problème… »

C’est dommage, Mimi devait partir, et la conversation a coupé court. On y reviendra, à coup sûr, c’est pas parce qu’il s’est fait un peu chahuter qu’il remettra pas la discussion sur le tapis. La rancune, Mimi, c’est pas son genre…

Jean, groupe Acratie, Chambéry