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Jours tranquilles en Palestine

Le jeudi 22 avril 2004.

Samedi 27 mars 2004. Camp de réfugiés de Balata, près de Naplouse, Cisjordanie. Un enfant de 7 ans, Khaled Maher, est gravement blessé par une balle tirée par un soldat depuis une jeep de l’armée israélienne. L’ambulance transportant l’enfant est bloquée par les militaires et l’enfant décède avant de pouvoir atteindre l’hôpital.

Jours tranquilles à Naplouse, en Cisjordanie ou dans la Bande de Gaza… Banalisation de l’inacceptable, escalade d’une colonisation qui refuse de dire son nom. Humiliations quotidiennes, mépris des droits humains, règne de l’arbitraire aux barrages et ailleurs, destructions de maisons, tirs des colons sur les habitations palestiniennes, arrogance des militaires… Tout semble permis, intensification de la tension, assassinats ciblés, bombardements, tirs sur les civils, la « routine » de l’occupation qui détruit tout espoir de paix et met en danger, non seulement la population palestinienne, mais aussi la population israélienne.

Le gouvernement israélien ne veut ni la paix, ni les négociations, ni la sécurité. La fuite en avant de ce gouvernement — auto-justifiée par la sécurité — montre qu’il est plus facile de répondre aux attentats tuant des civils qu’aux tentatives de dialogue. En « blâmant les victimes », la violence devient légitime. Il faut aussi justifier l’annexion de territoires palestiniens avec la construction du mur. Le mur de la honte — haut de huit mètres à certains endroits — coupe les villages, sépare les familles, les voisins, éloigne encore les gens de leur travail, emprisonne toujours plus…

« Le mur, c’est 16 000 hectares de terres confisquées, 30 puits expropriés pour un total d’environ 4 millions de mètres cubes d’eau, la destruction des oliviers, des puits, des vergers ; 55 villages destinés à être coupés de leurs terres et de leurs puits ; des dizaines de milliers de Palestiniens privés de toute source de revenus ; 98 % des colons israéliens désormais installés dans les zones annexées de facto [1]. »

« Le mur se situe entre les enfants et leurs écoles, les étudiants et leurs universités, les malades et leur médecin, entre les parents et leurs enfants, entre les villages et leur puits, entre les paysans et leurs champs [2]. »

Gaza est déjà coupée du reste de la région : un million et demi de Palestiniens sont enfermés par une barrière électrifiée. La notion de « transfert » fait son chemin dans les esprits, le terme n’est plus tabou dans les médias israéliens, un transfert détourné, un « nettoyage ethnique de basse intensité », comme cette colonisation qui grignote les territoires palestiniens à l’est de Jérusalem, vers Jéricho.

À travers des entretiens avec quatre étudiantes — Irène, Maha, Hadeel et Rania — à l’université de Birzeit, près de Ramallah, on comprend mieux le quotidien de la population palestinienne et les conséquences graves de l’occupation.



Irène : Tout le monde souffre de la situation en raison des barrages et de l’occupation militaire. Les difficultés sont quotidiennes pour aller à l’université. J’habite à Bethléem, à une trentaine de kilomètres, normalement le trajet est d’environ 20 minutes, mais il m’arrive de mettre entre trois et cinq heures pour m’y rendre. Je loue donc un appartement à Birzeit avec d’autres étudiantes et je rentre chez mes parents une fois par mois. L’occupation n’affecte pas seulement les politiques, mais les étudiants et les civils en général.

Maha : Il y avait un barrage entre Ramallah, où j’habite, et Birzeit. Parfois, les militaires israéliens nous empêchaient de passer ou procédaient à des arrestations. Je ne sais pas s’ils vont le remettre.

Chroniques rebelles : L’assassinat de Cheikh Yacine risque-t-il d’aggraver la situation ?

Irène : Bien sûr. Hier, les barrages m’empêchaient de rentrer chez mes parents. Le barrage entre Ramallah et l’université de Birzeit était destiné à humilier les gens. Il était inutile, il n’y a ni ville ni colonies israéliennes autour, seulement des villages palestiniens et Ramallah, la capitale économique.

Maha : Les barrages, les arrestations, les destructions de maisons, c’est la routine.

Irène : Malgré tout, les Palestiniens tentent de vivre normalement, de travailler, d’aller à l’université.

Chroniques rebelles : Le conseil des étudiants a décidé de reprendre les cours malgré le deuil de trois jours ?

Maha : L’université reste ouverte, c’est une forme de résistance. Si chaque fois qu’ils détruisent une maison ou arrêtent quelqu’un, on fait un deuil de trois jours, notre vie devient impossible. Étudier, c’est résister, c’est vouloir faire quelque chose dans la vie.

Chroniques rebelles : Comment voyez-vous votre avenir ?

Irène : C’est très compliqué. Je pourrais faire un doctorat à Birzeit, mais je dois travailler pour continuer mes études. Tout le monde étudie ici, mais les possibilités de travail sont limitées. Les jeunes sont pessimistes, il n’y a pas de travail et ils ont peu d’espoir en l’avenir. J’aimerais obtenir une bourse pour étudier en France, car ici je ne vois pas de débouchés.

Maha : Si je termine mes deux années, en dépit de la situation, j’irai à l’étranger pour étudier, travailler. Ensuite, je reviendrai.

Irène : Nous gardons l’espoir de revenir. C’est notre terre, notre mémoire, notre famille et nos amis sont ici.

Maha : Rester ici, c’est résister. Alors nous devons rester ici, pour construire quelque chose.

Chroniques rebelles : Avez-vous des contacts avec des étudiants étrangers ?

Irène : Des étudiants de tous les pays viennent à Birzeit pour étudier l’arabe. Actuellement, ils sont peu nombreux. Nous allons au cinéma et nous sortons ensemble.

Maha : Les étudiants étrangers sont rares à cause de la situation. C’est bien d’apprendre l’arabe dans un pays arabe, mais ils ont peur de venir étudier ici.

Irène : Avant la deuxième Intifada (septembre 2000), les étudiants étrangers étaient nombreux à Birzeit mais, à présent, il s’agit seulement de quelques filles et garçons. Au début, ils ont peur, mais ensuite ils veulent même poursuivre leurs études ici.

Maha : Ils se sentent proches de nous. Il existe ici un sentiment de solidarité particulier dû à la situation et à notre culture.

Chroniques rebelles : Quel est le pourcentage d’étudiants et d’étudiantes à l’université de Birzeit ?

Irène : Il y a plus de filles que de garçons. Beaucoup de garçons vont à l’étranger pour leurs études. Les familles craignent de laisser les filles voyager seules, donc elles s’inscrivent dans les universités palestiniennes.

Maha : Il y a 55 % de filles. Tous les garçons ne vont pas à l’étranger, pour certains c’est impossible par manque de moyens financiers. Souvent, ils travaillent pour aider leur famille. Nous, Palestiniens, sommes connus pour notre obsession de l’étude. C’est une tradition. C’est aussi lié à la résistance contre l’occupation, pour construire le pays.

Chroniques rebelles : Les étudiants palestiniens sont donc particulièrement motivés ?

Irène : Oui. Je veux étudier parce que c’est important pour moi. Ce n’est pas pour me conformer aux autres ou faire plaisir à mes parents. Et c’est le cas de la plupart des étudiantes. Le savoir, c’est une arme pour se défendre, s’opposer à l’occupation, pour l’avenir.

Chroniques rebelles : Encourageriez-vous les étudiants à venir étudier ici ?

Irène : Oui, tout en disant que la vie quotidienne n’est pas toujours facile. Il n’y a pas de distractions pour les jeunes, surtout dans les villages. Pourtant, si des étudiantes sont assez courageux pour venir étudier ici, pourquoi pas ?

Maha : Je pense qu’il est intéressant de connaître notre culture, notre vie quotidienne. Cela n’existe nulle part ailleurs. C’est quelque chose d’unique.

Chroniques rebelles : Vous ne portez ni l’une ni l’autre le foulard ?

Irène : Je suis chrétienne, et la question ne se pose pas, mais je crois que le voile dépend de la liberté de chacune. Personne ne peut imposer ses croyances, sa religion ou sa culture sur l’autre.

Maha : C’est un choix personnel. En Palestine, il y a des juifs, des chrétiens, des musulmans, et nous n’avons pas de problèmes pour vivre ensemble. C’est une question de liberté individuelle.

Chroniques rebelles : Que pensez-vous du débat en France autour de la question du port du foulard ?

Irène : La France est un pays laïc, donc tous les signes ostensibles religieux sont interdits à l’école. Pourtant le foulard n’est pas seulement un signe pour les musulmanes, c’est aussi un devoir religieux. J’ai lu que certaines élèves refusent d’aller au cours de biologie ou de faire du sport, c’est une façon d’imposer leur religion sur les normes intérieures de l’école. Je suis contre cela, mais je ne suis pas contre le port du foulard car c’est considéré comme un devoir. Cependant, il ne faut pas le faire pour provoquer ni refuser les règles. Dans ces conditions, je ne suis ni pour ni contre la loi. La loi devrait seulement aider au règlement des problèmes mais pas interdire.

Maha : Pour moi, le foulard n’est pas un symbole, c’est un devoir. On ne peut interdire une croyance. Il est normal d’interdire la croix ou un signe religieux, mais pas un devoir.

Chroniques rebelles : Pensez-vous que la loi contre le port du foulard à l’école, en France, peut permettre la défense des droits des femmes musulmanes ?

Irène : Le foulard n’empêche pas d’être libre, mais les pays laïcs ne le comprennent pas. Ce dont je suis sûre, c’est que cette loi va provoquer des affrontements entre les religieux immigré.e.s arabes et les autres. La situation va empirer sans que les femmes soient plus libres.

Maha : Je ne crois pas que cette loi va favoriser une réflexion sur les droits des femmes. Il y a des femmes très religieuses qui travaillent, étudient et portent le voile. Quand le voile sera interdit, elles ne vont plus sortir de chez elles. Cela peut les empêcher de faire des études ou d’aller travailler.

Chroniques rebelles : Pensez-vous que les étudiantes qui portent le voile à l’université sont moins libres que vous ?

Irène : Porter le voile n’est pas une preuve de manque de liberté. Il s’agit plutôt de tradition, d’éducation. Ici, les filles n’ont pas les mêmes libertés que les garçons, et cela n’est pas lié au port du foulard. Nous sommes dans un pays machiste, mais les filles peuvent étudier, travailler, vivre normalement. En fait, cela dépend de la famille.

Maha : Je ne pense pas que les étudiantes qui portent le foulard soient moins libres que moi. Elles étudient comme moi, travaillent. Cela dépend effectivement de la famille.

Chroniques rebelles : Sur le campus de Birzeit, il n’y a pas de différences de comportement entre les filles, foulard ou pas ?

Maha : Le foulard ne change pas le comportement et n’implique pas une interdiction de parler aux garçons. C’est comme porter un jean. C’est un signe de piété, c’est tout.

Irène : Nous avons une société mixte, avec des chrétiens, des catholiques, des orthodoxes, des musulmans, des non-croyants — il y en beaucoup —, des athées. Il pourrait y avoir des juifs à l’université, s’ils sont contre l’occupation. Nous sommes des êtres humains. Le fait d’avoir une religion, une croyance différente, d’être athée ne nous empêchent pas d’avoir des relations entre garçons et filles, d’être un groupe normal.

Chroniques rebelles : En France, on parle des attentats où des gens se sacrifient et tuent des civils israéliens. Comment dit-on ici : des opérations suicide, martyre, kamikaze ?

Irène : Ici on parle plutôt d’opérations martyrs, de personnes qui se sacrifient pour libérer la Palestine. C’est leur manière de s’opposer à l’occupation. On n’emploie pas les termes de kamikaze ou de suicide.

Maha : Ce sont des martyrs. Ils sont religieux et, pour eux, ils défendent la terre.

Chroniques rebelles : Qu’en pensez-vous ?

Maha : Je suis contre le fait de tuer des civils, mais je ne peux être complètement contre les attentats car, pour nous, c’est un des seuls moyens de résister. Hier, ils ont tué neuf Palestiniens en dehors d’Ahmed Yacine, ils ont détruit de nombreuses maisons. Alors qu’allons-nous faire ? Devons-nous tout accepter ? C’est le seul moyen que nous ayons contre les missiles israéliens. Si nous avions des missiles pour tuer les personnes, nous ne serions pas considérés comme des terroristes. Mais nous n’avons que les attentats pour répondre aux agressions israéliennes.

Irène : Je suis contre les attentats parce que cela touche des civils, israéliens, même si leurs militaires massacrent chaque jour des Palestiniens, des enfants et détruisent des maisons. Il y a d’autres moyens. Il ne faut pas toucher les civils ; les politiciens, les gendarmes, c’est autre chose. Il y d’autres moyens de lutter, sans tuer les civils. Les négociations peut-être, mais pas les attentats. Le Jihad, dans la religion musulmane, signifie la lutte pour la religion et la terre. Les martyrs sont souvent des personnes qui ont beaucoup souffert, dont les proches sont morts à cause de l’occupation, dont la maison a été détruite, c’est un acte furieux. Pour moi, ce n’est pas un terroriste. Par contre, quand un Israélien détruit la maison d’un lanceur de pierres avec un tank, c’est du terrorisme. Nous avons les pierres et ils ont les tanks. Je suis contre les attentats, mais je n’appelle pas cela du terrorisme.

Maha : Pour moi, c’est plus de la résistance que lié à la religion. D’après les lois internationales, on peut résister à l’occupation par tous les moyens. Pour nous, les Israéliens sont des occupants donc nous devons leur résister.

Chroniques rebelles : Si la situation n’était pas bloquée, si elle évoluait, pensez-vous que ces attentats cesseraient ?

Maha : Bien sûr. Les attentats ne sont qu’une forme de résistance à l’occupation. Les Israéliens occupent la bande de Gaza et la Cisjordanie, ils tuent, détruisent, mais si l’occupation cesse, il n’y aura plus d’attentats. Pourquoi les gens font des attentats ? Pour résister à l’occupation.

Irène : Je pense la même chose. Les gens sont actuellement désespérés, prêts à n’importe quoi pour résister, pour exister. Si la situation évolue, cela s’arrêtera.

Hadeel : Je suis étudiante et j’habite le village de Surda, proche de l’université, ce qui me facilite son accès.

Rania : J’ai 21 ans et j’habite Ramallah. Il était dangereux d’aller à l’université, il y a un an. Le barrage nous obligeait à marcher, et les soldats nous menaçaient souvent. Ils nous arrêtent encore pour des contrôles d’identité ou nous retarder. La situation n’est pas stable. Il y a toujours un risque.

Chroniques rebelles : L’assassinat d’Ahmed Yacine risque-t-il d’aggraver la situation ?

Hadeel : L’engrenage est inéluctable. Les Palestiniens vont répliquer avec des attentats à Jérusalem ou Tel-Aviv. La situation va empirer.

Rania : Les conséquences seront graves avec, sans doute, des massacres à Gaza, à Ramallah. La situation va se durcir.

Chroniques rebelles : Que pensez-vous du traitement médiatique de l’assassinat ciblé d’Ahmed Yacine et des autres victimes dont on parle très peu ?

Hadeel : Beaucoup de citoyens palestiniens sont tués, mais personne n’en parle. Je ne sais pas pourquoi. Il y a quotidiennement des morts à Gaza, mais c’est comme si la vie des Palestiniens ne valait rien.

Rania : Le Cheikh Yacine est considéré comme un guide palestinien. Chaque jour, il y a des martyrs, des massacres à Gaza, Ramallah, Naplouse, partout, mais quand ils assassinent un guide spirituel, cela entraîne des réactions.

Chroniques rebelles : Que pensez-vous des assassinats ciblés et des massacres ?

Rania : Tout le monde est victime de l’occupation. Pourquoi tuer des enfants dans les écoles ? Pourquoi détruire les maisons ? Il est rare que les victimes soient responsables. Je peux être tuée à tout moment.

Hadeel : L’assassinat de Rachel Corey a été un choc ici. Elle était états-unienne et soutenait la lutte palestinienne. Elle représentait une cible parfaite pour les militaires israéliens.

Rania : Nous étions tristes. C’est aussi un message pour les États-Uniens : chaque personne qui se met du côté des Palestiniens, des victimes, risque sa vie. Peu importe sa nationalité.

Chroniques rebelles : Cela signifie-t-il une escalade de la violence de l’occupation ?

Hadeel : Sharon veut continuer les massacres. Il ne veut pas d’un État palestinien. Il ne veut pas de Palestiniens en Cisjordanie, en Israël ou à Gaza. Il veut annexer les terres. Nos droits ne seront pas reconnus. Et le peuple israélien ne fait rien pour la justice et la paix.

Chroniques rebelles : Des militant.e.s soutiennent cependant la cause palestinienne. Pensez-vous que la propagande joue un rôle dans cette indifférence au sort des Palestiniens ?

Hadeel : Les Israéliens pensent que la Palestine est la terre d’Israël. C’est le problème. La propagande est pour beaucoup dans les croyances. Les Israéliens pensent qu’ils ont tous les droits, et les États-Unis les soutiennent. Leur but est supprimer tous les Palestiniens.

Rania : La mission de Sharon est de tuer les Palestiniens, sans état d’âme. Beaucoup de massacres sont perpétrés à Gaza, sans raisons, pour éradiquer la population. Il met en danger les Israéliens en provoquant les attentats. Sharon ne fait rien pour la sécurité des Israéliens. Par exemple, le mur. Il prétend le construire pour la sécurité, pour bloquer les Palestiniens et arrêter les attentats. Il y a un mois, je me suis rendue à Jérusalem et j’aurais pu transporter un sac avec une bombe. Le mur ne sert qu’à rendre la vie des Palestiniens encore plus misérable.

Hadeel : Le gouvernement israélien veut annexer les terres et, ensuite, il sera impossible de construire notre pays avec des terres morcelées. Il est impossible de faire un État palestinien avec le mur. Le gouvernement israélien mène la politique du fait accompli.

Chroniques rebelles : Dans cette situation, comment voyez-vous l’avenir ? En Palestine ?

Hadeel : Mon père est aux États-Unis. Je voudrais continuer mes études à l’étranger et y travailler, puis revenir.

Rania : Mes années d’université étaient dures. Je rêve de continuer mes études en France pour me perfectionner dans la langue, mais, sans bourse, c’est impossible. Je vais chercher du travail ici, dans les associations. Je suis née en Arabie saoudite, mais j’ai trouvé ma place en Palestine.

Chroniques rebelles : Avez-vous le sentiment d’avoir les mêmes droits que les hommes ?

Hadeel : J’ai les mêmes droits et ma famille me considère comme l’égale de mes frères. Je peux faire des études, travailler, à ma guise.

Rania : En Palestine, les droits des femmes sont différents, c’est selon les familles. Dans certains villages, éloignés des villes, il n’est parfois pas facile d’être une fille. Dans les villes, les femmes, les jeunes filles ont des droits.

Hadeel : Les femmes sont plus libres en Palestine que dans les autres pays arabes. D’une part, en raison de l’éducation, mais aussi parce que l’occupation a créé une situation dont tout le monde souffre, à égalité.

Chroniques rebelles : Vous n’êtes pas voilées toutes les deux. Que pensez-vous de la loi sur le foulard ou le voile en France ?

Hadeel : Je suis pour et contre. C’est votre pays et cela concerne votre façon de vivre. Toutefois, je ne pense pas que le voile affecte l’autre. Pourquoi alors accepter les minijupes ? J’ai parfois le sentiment que cette loi est contre l’islam.

Rania : Le voile n’est pas un signe. J’ai lu que c’était un problème pour les cours d’éducation physique ou pour la piscine, que cela allait à l’encontre des règles scolaires. Certaines personnes refuseraient également d’entrer dans une salle d’examen où il y a des professeurs hommes. Cela me paraît exagéré. Cependant faire une loi qui peut empêcher les filles d’aller étudier est une erreur. Étudier est un droit pour tout le monde, avec ou sans voile. Nous avons fait dernièrement un cross universitaire de 2 km. Une étudiante portait un foulard, et elle a couru comme les autres. Il n’y a pas d’interdiction de faire du sport.

Hadeel : Il me semble que le débat est disproportionné. Il était possible de régler les quelques cas avec des règles simples. Il fallait discuter avec les élèves et trouver des compromis.


Birzeit, 23 mars 2004


[1Action for Peace, plate-forme des ONG pour la Palestine.

[2Uri Avneri, président de Gush Shalom.