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La Sécu, c’est à nous !

Le jeudi 29 avril 2004.

Comme le sapeur Camembert, l’État a creusé à coups d’exonérations de charges, de détournements de recettes et de non-remboursement de ses dettes, un trou gigantesque dans le budget de la Sécurité sociale pour boucher les trous du budget insatiable de l’État. Comme le sapeur Camembert, il veut maintenant boucher ce trou. Il a choisi, plutôt que de creuser dans les dividendes des actionnaires, de taper dans le budget des ménages.

En fait, le gouvernement utilise la même méthode que pour faire « passer » la réforme des retraites. Après plusieurs années de battage médiatique et de rapport d’experts orientés, il a réussi à faire croire à la déliquescence du système de santé et se présente comme le sauveur du régime. En 2000, l’Organisation mondiale de la santé consacrait le système français comme le meilleur.

Nous ne saluerons pas à ce titre l’objectivité de la presse, tant écrite qu’audiovisuelle, qui contribue à banaliser ces mensonges. Mais peut-on attendre autre chose d’une presse bourgeoise ?

La réalité est que la gestion de la Sécu ne lui coûte que 3 % de ses ressources, ce qui serait exceptionnel pour une entreprise privée. À l’opposé, la privatisation de la distribution d’eau a montré les résultats des entreprises privées. En 2001, la Sécu était en équilibre, et ce gouvernement l’a délibérément plombée pour justifier ses projets de démolition sociale.

La réalité, c’est que nos capitalistes sont fascinés par les 244 milliards d’euros du budget annuel de la Sécu, et qu’ils rêvent de mettre la main sur ce pactole pour l’injecter à la Bourse au service de leurs dividendes. Transformer les cotisations solidaires des travailleurs en capital spéculatif pour les actionnaires, voilà l’enjeu de cette casse annoncée.

Les assureurs sont sur la brèche. Aujourd’hui, ils se confondent avec la banque. Ce qu’ils veulent, c’est emprunter sans intérêts les cotisations des travailleurs, qui deviendraient une sorte d’épargne obligatoire dont les intérêts seraient reversés aux actionnaires. On connaît le fonctionnement des compagnies d’assurance. S’il y a bénéfices, ils deviennent dividendes, s’il y a déficit, cela se traduit par une hausse des cotisations ou une restriction du service rendu.

Cette approche capitaliste de la santé est inacceptable. La santé est le bien le plus précieux de chaque individu. Le proverbe dit qu’elle n’a pas de prix. C’est un besoin universel de l’humanité et en même temps essentiellement inégalitaire, car la maladie frappe indifféremment le misérable ou le puissant.

La santé devrait être déclarée patrimoine commun de l’humanité car elle est une condition sine qua non de l’épanouissement de l’individu et du développement harmonieux des sociétés. La maladie est souvent l’aiguillon de l’irrationnel, de la croyance religieuse.

C’est ce qu’avaient compris nos grands- pères qui, refusant les institutions charitables des curés et des patrons, organisèrent dès le xviiie siècle des caisses de secours mutuel et, sous la pression revendicative, obtinrent l’organisation d’un système de solidarité à vocation universelle.

En effet, point n’est besoin d’être expert en statistique pour comprendre que, pour être efficace et équitable, la gestion d’un risque universel et totalement aléatoire, doit être assise sur la solidarité la plus élargie. Et que les compagnies privées, guidées par leur objectif de profit, ne peuvent s’adresser qu’aux personnes solvables et donc abandonner les pauvres à un service minimum que l’État (le contribuable) devra bien assurer s’il ne veut pas revoir dans les rues de ses villes les scènes décrites par Dickens.

Nous sommes prévenus. À nous de préparer nos résistances. Pas de manière stérile en s’arc-boutant sur les actuelles structures imparfaites, mais en imaginant ce que doit être la gestion de la santé dans une société solidaire.

À l’heure où les chercheurs manifestent, il faut imposer que les produits de la science soient accessibles à tous, sans considérations de profit commercial.

La Sécurité sociale, c’est nous qui la finançons avec nos cotisations, part de notre salaire. Il nous appartient donc de la gérer nous-mêmes, à l’abri des manœuvres des patrons, des gouvernements, et des centrales syndicales cogestionnaires

Daniel, groupe Dejacque