Accueil > Archives > 2004 (nº 1342 à 1380) > 1358 (5-11 mai 2004) > [En vrac]

En vrac

Le mercredi 5 mai 2004.

Que dire sur la révolution qui soit pertinent sans tomber dans le convenu ? Dissensus relève brillamment le défi et aborde les multiples aspects du thème qui constitue l’objet central de ce dix-septième numéro. On ne peut parler de la révolution sans aborder la question de l’échec, puisque toutes les tentatives révolutionnaires ont jusqu’à présent raté plus ou moins lamentablement. C’est précisément cette interrogation douloureuse que soulèvent les membres du collectif, sans complaisance, ni rancœur, ni cynisme déplacé, en évoquant la défaite de Mai 68 (une renonciation à une situation d’affrontement réel, et évidemment violent, au profit d’une dimension plus symbolique du rapport de force : meetings, manifs, négociations…) ou encore les limites de la militance quand elle se perd dans la référence automatique aux grandes pages de l’histoire révolutionnaire. Partant de l’idée que le processus révolutionnaire n’obéit, par essence, à aucune règle prédéfinie, qu’il est une perpétuelle création, Dissensus dégage, par petites touches, le seul principe valable susceptible de régir un mouvement de révolution : une certaine disposition de cœur, d’esprit et de sens à désirer l’inconnu, la construction de sa propre capacité à vivre l’aventure du "tout est possible", une aspiration profonde au bonheur passant, peut-être, par un état d’enfance permanent qu’il est urgent de cultiver. Etant donnés les termes, difficile de dire si une telle proposition est consistante ou pas, mais après tout la question est-elle là ? À mon sens, elle est plutôt de savoir si la révolution, malgré les trahisons, malgré les abdications individuelles et collectives, malgré les échecs successifs, peut encore être l’objet d’un certain enchantement. Et à ce titre, la lecture de Dissensus m’a été incontestablement profitable.

Gratuit (mais n’oubliez pas quelques timbres) chez Dissensus, c/o Kaléidoscope, 3, rue des Trois-Mages, 13001 Marseille.

Une couverture noire que barre un titre en lettres rouges : Continuez sans moi. Le recueil de poèmes de Didier Ober est sombre, très sombre. La mort rôde à chaque page, omniprésente, rendant d’autant plus lancinante cette ultime question, elle-même récurrente tout au long de l’ouvrage : sommes-nous encore vivants ? Visions cauchemardesques d’une sous-humanité plongée dans le néant des cités artificielles, livrée aux turpitudes qu’une caste aussi insaisissable que puissante lui fait subir. Villes-prisons où l’on crève d’ennui et de désespoir, où le vide de l’existence happe et annule l’individu. Au milieu de ce tranquille et désespérant cataclysme, peu d’échappatoires hormis la poésie, « bain de jouvence au milieu de la décrépitude et de la normalité planifiées », « le rêve plus puissant que la mort », et un espoir : « une folie puissante, dévastatrice et régénératrice à la fois ». Curieusement et dans un autre registre, Didier Ober pose des questions et des problèmes très sembables à ceux évoqués dans le précédent zine (Dissensus, vous suivez ou bien ?), et trouve des éléments de réponses qui le sont tout autant. Alors, y-a-t-il un hasard dans la révolte ? À noter que le recueil a donné lieu à deux lectures publiques sur fond de guitares saturées, dont une au Centre culturel libertaire de Lille. Et à mon avis, ça devait le faire grave.

Contact : Didier Ober, 105 A, rue Anatole-France, 59490 Somain.

« Do it yourself, do it bad : le fanzine vite fait mal fait ». C’est ce qui encadre la « une » du premier numéro (semble-t-il) du Singe de l’espace, fanzine suffisamment chtarbé pour occuper la première de ses quatre pages à une illustration au moins aussi débile que le titre. Ça se lit en quelques minutes et vraiment, c’est ÉNORME ! Une interview à toute berzingue du groupe punk-grind Anal Violator (qui, entre deux bitures, a laissé des perles mélodiques et bientôt légendaires telles que : « Fucking the fuckers », « Freedom for all murderers and politics », « Old animals in the freezing toundra »…), chroniques disques au moins aussi speedées, un concert report sur les chapeaux de roues et des infos (dates de concerts exclusivement) à toute bombe. Pas la peine de chercher : il n’est question QUE de groupes ultra-bruit (mais de qualité), et l’impitoyable humour des rédacteurs/trices te fera vite oublier que tout ça fait mal aux oreilles. Réjouissant. Je me suis laissé dire que Le Singe de l’espace est édité par des gens du squatt La Cerise à Montrouge (dans le 92).

Pas de contact, hélas, mais dégottable si l’on traine dans les concerts de Paris et sa couronne. Gratos contre un sourire voire une canette.

André Sulfide