Accueil > Archives > 2004 (nº 1342 à 1380) > 1360 (20-26 mai 2004) > [Le « Monde libertaire » en procès]

Un gros navet

Le « Monde libertaire » en procès

Le jeudi 20 mai 2004.

Jeudi 13 mai, nos compagnons Bernard Touchais, directeur de publication du Monde libertaire, et Nico, militant de la CNT et du groupe d’Ivry de la FA, se trouvaient dans la pénible obligation de répondre à l’accusation d’injures et de diffamation devant la 17e Chambre correctionnelle du Tribunal d’instance de Paris.

Cette affaire a déjà fait l’objet de plusieurs articles dans les colonnes de notre journal, mais mérite un bref retour sur les faits qui remontent à un papier signé de Nico, paru dans le ML nº 1321 (22 mai 2003) et portant sur les conditions de travail au sein de la société Idex & Cie. Propos d’un salarié excédé par certaines pratiques patronales qui défient la dignité des travailleurs et ne reculent devant aucune bassesse pour doper les bénéfices. Propos inscrits dans le mouvement social du printemps 2003, durant lequel syndicalistes révolutionnaires et anarchistes se trouvaient ensemble sur la brèche des grèves et des manifestations. Propos trouvant, enfin, pleinement leur place dans l’hebdomadaire de la Fédération anarchiste, espace de libre expression offert à tous nos camarades de classe et d’idées dont nous estimerons toujours la franchise et la volonté de se dresser, encore et encore, contre le capital et ses serviteurs.

La société Idex & Cie eut vent de l’article ; elle s’en servit contre notre ami Nico et, désignant le « papier » d’une main et de l’autre la porte, elle licencia son salarié au motif d’une « faute lourde ». Nico porta l’affaire devant les prud’hommes ; Idex jugea qu’elle était allée un peu vite en besogne, et s’estima alors diffamée et injuriée pour donner la consistance qui manquait au prétexte. Nous allions donc être traînés en justice.

Depuis, Nico a obtenu une belle victoire devant le Conseil des prud’hommes, qui attend sa confirmation en appel (voir article paru dans le ML nº 1333 du 23 octobre 2003). Elle démonte, si besoin était, la lamentable manœuvre d’une entreprise égarée par le mépris qu’elle voue à ses salariés, surtout quand ils se montrent trop récalcitrants.

Cela étant, l’audience du 13 mai dernier nous rappelle à quel point cette victoire demeure fragile. Compte tenu des éléments qui décrédibilisent passablement Idex, nous nous attendons à voir Nico et Bernard purement et simplement relaxés. Mais dans le cas contraire — et l’exercice de la justice bourgeoise, hélas, ne nous épargne pas ce doute — la moindre condamnation, fût-elle symbolique, donnerait à la société ce qu’elle attend depuis des mois : l’autorisation de se débarrasser de Nico en toute légalité. Ce qui serait, au vu de ce qu’il a obtenu devant les prud’hommes, tout simplement dramatique. Et du point de vue de la liberté d’expression et de polémique, tout simplement intolérable.

Le jugement sera rendu le 24 juin prochain. En attendant, que les tauliers d’Idex et d’ailleurs se le tiennent pour dit : l’article incriminé pourrait n’être, finalement, qu’un éclaircissement de voix.

L’administrateur du Monde libertaire