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Nucléaire

La Caravane passe

Le jeudi 20 mai 2004.

À l’initiative du réseau Sortir du nucléaire, une caravane, composée de divers véhicules et d’une quarantaine de personnes de diverses nationalités, sillonne la France depuis le 24 avril et ce jusqu’au 23 mai. L’objectif est double : relancer l’opposition au programme du renouvellement du parc des réacteurs nucléaires (EPR, programme européen), et célébrer le 18e anniversaire de Tchernobyl. La caravane propose, lors de ses haltes, une exposition sur les énergies renouvelables, des repas populaires à prix libre, des animations diverses, et surtout la pièce de théâtre Tchernobyl now, présentée par la troupe « Brut de béton ».

Le Collectif gardois pour des alternatives au nucléaire [1] s’était investi afin d’organiser une double étape dans la journée, et dans le département. Bagnols-sur-Cèze, commune de la vallée du Rhône gardoise qui compte avec Marcoule, fut le premier rendez-vous de la journée. Une faible présence militante, confortée par la caravane, fit une démonstration à travers la ville ; après le déjeuner, on se rendit devant le site de Marcoule pour en bloquer l’accès pendant une demi-heure. Le poids local de l’emploi généré par le site nucléaire dans une région dévastée économiquement n’est pas pour rien dans cette faible mobilisation, alors que la Criirad est déjà capable de dénoncer une pollution (tritium) des eaux dans la région, due à Marcoule. Combien faudra-t-il de temps encore pour que les populations locales réagissent ? Il faut aussi signaler que quelques jours plus tôt, un voyage fut organisé avec la presse régionale pour visiter l’installation de Tricastin : toute relation entre cette opération séduction avec le passage de la caravane antinucléaire est évidemment tendancieuse…

Nîmes étant l’étape suivante, la caravane des protestataires vit son camion cantine immobilisé sur l’autoroute au motif d’une surcharge. Mais cela n’empêcha pas le convoi d’arriver dans la capitale gardoise où 200 personnes les attendaient. Notons au passage l’inquiétude de la police locale, toutes catégories confondues, et décelable par les effectifs dépêchés sur place par le préfet (RG, police municipale, nationale). Au départ de la Maison carrée, une parade festive et antinucléaire fit un tour des boulevards, au grand désespoir des policiers qui tentaient de faire pression sur les organisateurs et organisatrices à l’origine de la manifestation (« Nous allons retirer nos hommes, nous n’assurons plus votre sécurité », etc.) pour qu’ils abrègent la démonstration de rue. L’ambiance était joyeuse, colorée, accompagnée par l’autobus de la caravane et fit même un sit-in, ce qui affola quelque peu les policiers présents. Après un repas pris avec les caravaniers, ce fut au tour de la compagnie « Brut de béton » de donner une prestation d’une qualité remarquable, devant une centaine de personnes, attentives et émues devant cette évocation de la catastrophe de Tchernobyl.

Au final, l’opposition antinucléaire locale a regonflé ses troupes, gagné en visibilité et affirmé son ancrage, même s’il est difficile de mobiliser pour un travail de longue haleine, au quotidien. La presse locale et régionale a relaté correctement les événements, et a donné la parole au Collectif gardois. Les libertaires et en particulier le groupe Gard-Vaucluse de la FA, présent sur les deux étapes de la journée, ont largement participé à la préparation de l’événement.

Reste que pour pouvoir se dynamiser, cette lutte contre le nucléaire, civil et militaire, doit dépasser son cadre un peu étriqué. Il est facile de remarquer la dépolitisation de la mouvance antinucléaire : cette situation met objectivement le mouvement, en particulier celui du réseau Sortir du nucléaire, en position de s’offrir au mieux-disant. Exemple : le réseau a fait la démarche de demander aux présidents de régions de s’engager à ne pas accepter de réacteur du type EPR dans leur zone. Les réponses positives obtenues pourraient certainement faire basculer les votes aux régionales en faveur d’une classe politique de gauche qui n’a pourtant jamais été antinucléaire et qui n’a pas donné d’avancées significatives lorsqu’elle était au pouvoir avec Jospin et les Verts ! Cette tendance, catégorielle et apolitique, vient d’ailleurs de se conforter avec l’adhésion au réseau Sortir du nucléaire du Mouvement des jeunes socialistes. Cette situation générale indique assez que ce mouvement manque de perspectives, pour faire appel à la classe politique et vendre son indépendance.

Pour autant, les libertaires ne sont pas encore en capacité de faire contrepoids. Il y a donc à réfléchir vraiment sur cette situation et à offrir rapidement des débouchés politiques à un mouvement qui, malgré ses efforts, reste cantonné à la pérennisation d’une culture antinucléaire. À terme, sans débouchés et sans perspectives, c’est donc un mouvement qui va s’institutionnaliser et mourir d’usure.

Daniel, groupe Gard-Vaucluse de la FA


[1Collectif qui regroupe depuis trois ans, personnes et associations dont le groupe Gard-Vaucluse de la Fédération anarchiste.