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Deux États pour deux nations, c’est deux États de trop

Le jeudi 20 mai 2004.

Tel Aviv, Israël : l’Initiative anarcho-communiste participe à l’immense manifestation pour la paix. L’occasion de faire connaître par ce tract leurs positions.



Si l’État d’Israël et l’autorité palestinienne arrivent à un accord de « paix », cela ne résultera pas du souhait israélien de « sécurité » pour les citoyens ni du souhait palestinien « d’indépendance ». Ce sera plutôt une conséquence des intérêts géopolitiques internationaux des puissances, tant ces concepts n’ont rien à voir avec leur façon de voir les choses. Les accords de Genève, initiés par des politiciens et des hommes d’affaires, s’ils sont signés et appliqués comme prévus (et ce sont déjà deux choses différentes) seront l’expression de ces intérêts, et il en sera ainsi de tout autre accord politique que l’on puisse imaginer.

Le terme le plus approprié pour décrire le traitement de l’État d’Israël envers les habitants qui ne sont pas inclus dans la catégorie des juifs israéliens jouissant de leurs pleins droits est l’apartheid : une règle de séparation chauviniste, qui confisque la terre des paysans, restreint la liberté de mouvement des personnes se rendant au travail, et obstrue les capacités des capitalistes palestiniens à développer leur économie. Tout cela, alors que dans le même temps l’État d’Israël essaie d’obtenir la coopération des dirigeants palestiniens.

Des personnes, qui se considèrent comme des activistes pour la paix, se demandent sérieusement, au-delà des réponses officielles de la gauche, quelles sont les raisons qui sous-tendent la politique commune de tous les gouvernements israéliens (qu’ils soient de droite ou de gauche) envers les Palestiniens. Nous considérons que ce n’est pas seulement la conquête d’un peuple par le tourbillon des empires anciens ; ni l’expression d’une croyance en une terre d’Israël indivisible, tirée de la Bible. Ce n’est pas non plus le blocage dû à la pression de l’important lobby des dirigeants des colons, bien que celui-ci joue également un rôle certain dans la situation.

L’apartheid doit être vue comme quelque chose qui sert de puissants intérêts. Elle sert les capitalistes israéliens en fournissant de la main-d’œuvre à faible coût qui a été principalement utilisée par les petits et moyens employeurs dans les entreprises industrielles et du bâtiment. Les « Arabes israéliens » qui étaient sous la loi militaire durant les années 1948-1966 ont rempli ce rôle et plus encore que ceux-ci, les habitants des régions occupées en 1967. C’est seulement dernièrement, résultat de l’Intifada el-aktsa, avec « l’importation » massive de travailleurs immigrés temporaires que l’accès libre à cette main-d’œuvre a été interrompu. Les grosses compagnies israéliennes ont profité de l’occupation de 1967 principalement parce que cela leur a ouvert un gros marché de consommation dénué de toute concurrence. L’establishment militaire, qui a toujours été puissant en Israël, a apprécié et apprécie toujours les carrières garanties dans le gouvernement et les industries une fois fini le temps de service. Les militaires ont tout intérêt à ce que l’apartheid (et le conflit) perdure car il leur assure positions sociales et droits. Il est également dans l’intérêt des États-Unis, qui bénéficient depuis les années 50 des services que lui a rendus l’État d’Israël, qu’Israël reste sous une menace permanente, afin que celui-ci ai besoin de leur soutien.

Un rappel : des discussions sérieuses au sujet de l’établissement d’un État palestinien ont commencé il y a seulement 15 ans, vers la fin de la première Intifada. Presque tous les dirigeants de la principale gauche sioniste et de la gauche plus radicale actuelle, qui semblent avoir réussi à réécrire leur histoire dans un style plus ou moins orwellien, n’imaginaient même pas qu’un tel accord puisse être possible. Même au début de la période des accords d’Oslo ils ne parlaient toujours que d’autonomie. L’OLP et la gauche anti-sioniste parlaient de l’établissement d’un État souverain composé de tous ses citoyens (binational). L’autorité palestinienne n’existait pas du tout avant qu’Israël n’aide à ce que l’OLP assume ce rôle. L’accord de paix concernant deux États pour deux nations ne fut à l’ordre du jour que quand, suite à l’Intifada et aux changements de l’économie mondiale, il a commencé à intéresser certaines franges capitalistes israéliennes et américaines.

Que signifie une telle paix ? Si nous comparons la situation dans l’Israël élargi à un apartheid tel que celui qui a existé en Afrique du Sud, nous pouvons voir que la paix signifie l’assujettissement de l’Intifada à une junte dirigeante palestinienne qui servira Israël. Une paix comme celle-ci, souvent appelée « normalisation », est liée au processus qui s’exprime dans le monde entier sous le terme de globalisation et aux initiatives pour une coopération économique régionale qui doit culminer en une « région de libre-échange de tous les pays de la méditerranée ».

Tout autour du monde, de tels accords ont pour conséquence la prise de contrôle des économies locales par des intérêts multinationaux, la violation des droits de l’homme les plus élémentaires, la détérioration des statuts et des conditions des femmes et des enfants, la violence sociale et la destruction de l’environnement.

Est-ce qu’un tel accord apportera au moins l’arrêt de la violence ? Nous ne le pensons pas : les fossés et les difficultés économiques vont augmenter, le problème des réfugiés ne sera toujours pas résolu et la légitimité du soutien économique international apporté à de nombreuses personnes sans travail dans la bande de Gaza et en Cisjordanie sera mise en cause (comme cela s’est en partie produit après les accords d’Oslo et même dernièrement). Dans une telle situation, les Palestiniens n’auront d’autre choix que de dépendre de « leur » État, un État minuscule et dépendant dont il est permis de douter qu’il puisse être à la hauteur.

Les États agissent à l’intérieur d’un système d’intérêts et se soucient peu des gens ordinaires comme nous. Si nous voulons amener un changement vers le mieux et diminuer les fossés qui nous séparent ainsi que les tueries mutuelles, nous ferions mieux de ne pas nous comporter en marionnettes obéissant aux leaders économiques financés par les Européens et les Américains, qui se contentent de manifestations démocratiques. Nous ferions mieux d’agir pour faire tomber les divisions nationales et résister aux forces militaires responsables d’un massacre mutuel sans fin.

Nous ne devrions pas promouvoir un programme politique, comme celui des accords de Genève ni aucun accord alternatif. Même si nous agissons à un niveau indépendant (local) nous devons toujours nous rappeler qu’aussi longtemps qu’il existe des États et que le système capitaliste perdure, toute amélioration que nous construirons ne sera que partielle et toujours menacée. Par conséquent, nous devons voir notre lutte comme une partie intégrante de celle menée dans le monde entier contre le capitalisme mondial et appeler à un changement révolutionnaire basé sur l’abolition des classes, de l’exploitation, et la construction d’une société nouvelle, sans classe, anarcho-communiste. Une société où il n’y aura plus de coercition par l’État, ni de violence organisée, où le chauvinisme n’existera plus, ni les autres méfaits de l’ère capitaliste.

Ce tract est distribué par les anarchistes israéliens traîtres à la nation.


contact : haifa_anarchists-a-yahoo.com