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Égrégores

des hermétistes sur la Canebière
Le jeudi 3 juin 2004.

Après des années et des années de pratique de l’édition en tant qu’auteur, je me suis décidée avec divers amis à créer une maison d’édition associative au nom d’Égrégores. Tout le monde sait, dans la mouvance libertaire, à quel point l’accès à l’édition est ardu et tient à l’entregent, voire aux mondanités, du postulant plus qu’à son talent. La critique de la marchandise-édition a déjà été cent fois commise, point n’est mon propos que de la refaire après tant d’autres. Il me suffit de rappeler qu’aujourd’hui encore, l’accès à l’édition demeure une loterie qui n’a rien à voir avec la qualité littéraire d’un manuscrit. On n’a jamais autant publié en quantité et on n’a jamais autant publié d’inepties en qualité.

Cependant dans cet amoncellement destiné à tuer le livre et la lecture, plus qu’à l’honorer, il reste encore des œuvres à découvrir, plus que nous n’en pouvons savourer en une seule vie. Pourquoi éditer davantage en de telles conditions ? Pour élargir la diversité, contribuer à l’approfondissement des débats de l’époque, affiner notre autonomie, et ouvrir un espace qui, selon mon expérience, n’existe pas présentement.

La réalité de votre soutien en signera le bien-fondé. Il est certain que nous avons besoin de vos contributions au lancement d’un tel projet. Notre ambition est moins spectaculaire que créatrice. Or, pour créer, il faut l’autonomie de moyens de production. Ce n’est pas aux lecteurs du Monde libertaire qu’on fera l’article sur ce point.

C’est donc un appel à vos contributions financières, à solidarité, que nous sollicitons massive, pour l’aide au démarrage dans l’espoir de créer un « emploi-vieux » pour une animation actuellement exclue des droits sociaux (ni intermittence ni rmi-rma), rien — merci, et vous ? — ou à défaut, une forme de survie matérielle minimale. Comptes, comptes rendus d’activités, décisions éditoriales et procédures, seront explicités devant l’assemblée générale de membres actifs et bienfaiteurs d’Égrégores dans la tradition libertaire de la transparence déjà centenaire !

Chacun a bien saisi qu’Égrégores n’est l’outil d’aucun appareil et s’emploiera bien au contraire à défaire des évidences et à reconstruire de moindres certitudes…

Loin des déclarations d’intention tonitruantes, nous nous emploierons à avancer empiriquement, en fonction des possibilités matérielles et morales réunies, ainsi que des forces de travail disponibles. Vous pouvez proposer vos contributions en matière éditoriale (correction, préparation de manuscrits, secrétariats, saisies de textes anciens, dessins, peintures, photos, maquettistes, secrétariat de rédaction, traductions, etc., imprimeurs, typographes, distributeurs et diffuseurs, libraires et critiques de bouquins, mécènes et bons tuyaux) : tout est bienvenu aux Egrégores

À vos plumes, à vos bulletins. Égrégores travaille seul avec tous, en stirnérisme bien compris.

Le premier titre en cours est le livre de Lucio Urtubia, Ma morale anarchiste, qui revient sur divers épisodes de son existence laborieuse, après le premier tome Lucio l’irréductible sous la plume de Bernard Thomas, que je voudrais publier dans l’année.

Claire

Pour en savoir plus : cauzias@free.fr, Egrégores, 7, boulevard de la Liberté, 13001 Marseille.


Post-scriptum

En 1938, Pierre Mabille, un ami d’André Breton, dédiait son livre [1] aux combattants espagnols. Il précisait :

« J’appelle Égrégores, mot utilisé jadis par les hermétistes, le groupe humain doté d’une personnalité différente de celle des individus qui le forment. […] J’indique aussitôt que la condition indispensable quoique insuffisante, réside dans un choc émotif puissant. Pour employer le vocabulaire chimique, je dis que la synthèse nécessite une action énergétique intense. […] L’égrégore le plus simple se crée entre un homme et une femme. […] En d’autres circonstances, des entités collectives plus complexes s’élaborent. […] Il s’agit là de créations transitoires, cependant, elles marquent ceux qui y ont participé.

Pour que l’entité dure, l’élan émotif nécessaire doit rencontrer les conditions favorables. […] Pas plus que l’anatomie, la physiologie, le roman psychologique pris isolément n’épuisent la réalité de l’homme. […] Décrire l’importance des rapports économiques complexes, mais plus indispensable encore est la perception de l’unité vivante que constitue le groupe social. Parmi ces multiples égrégores, ceux qui ont la durée la plus longue et l’étendue la plus vaste sont les civilisations. »

Soyez grégaires, soutenez Égrégores dès à présent !

C. A.


[1Pierre Mabille (à ne pas confondre avec le trotskiste Pierre Naville) Égrégores, ou la vie des civilisations.