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éditorial du nº 1365

Le jeudi 24 juin 2004.

À la suite d’élections qui ont démontré le peu d’intérêt des européens à l’égard de leurs institutions, nos gouvernants ont voulu redorer le blason de cette union déliquescente, en adoptant un projet de Constitution. On a échappé de peu à la mise sous la tutelle du bon Dieu de ce chiffon de papier. Certe, l’alinéa 1 de l’article II-19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union interdit toute expulsion collective, cependant, cette même charte, si elle donne droit à chacun de chercher du travail, ne garantit pas pour autant un emploi pour tous. Ainsi l’Europe des exclus et des laisser pour compte est officialisée. En pratique, on voit ce que donne l’Union européenne en matière économique, domaine où selon sa Constitution, l’Union prend le pas sur les États membres. Le conseil européen, à l’abri derrière ses institutions, applique à la lettre les directives de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Cela donne, par exemple, la privatisation d’EDF qui mettra sur le pavé des milliers de citoyens européens, pour remplir les poches de quelques investisseurs fortunés. Ou bien les délocalisations à tout va, tel que celle de STMicroelectronics, dont le conseil d’administration est contrôlé en sous main par les États français et italiens. Ce sont aussi les privatisations déguisées des systèmes de santé et de retraites, qui là encore rempliront les escarcelles des capitalos.

Ce projet de Constitution a été concocté par un grand démocrate, Valéry Giscard d’Estaing, le même qui, dans les années soixante-dix, envoyait le général Aussaresses enseigner aux États-Unis et en Argentine les méthodes de contre-guérilla développées lors de la bataille d’Alger. Rafles massives, tortures systématiques, élimination discrète d’opposants, et autres crimes abominables, ces enseignements, mis en pratique par les juntes au pouvoir dans l’Amérique latine de l’époque, ont causé plusieurs dizaines de milliers de morts.

Un autre monde est possible scandent les partisans des associations avides de prendre place au banquet du pouvoir. Cet altermonde, concocté par des scientifiques en mal de reconnaissance, nous rapproche plus du meilleur des mondes que décrivait Aldous Huxley, dans les années trente, que d’une révolution. En voulant aménager le système capitaliste pour le rendre plus supportable, ils ne font que donner les armes aux crapules qui nous gouvernent pour nous donner l’illusion de progresser vers un monde plus juste.


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