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éditorial du nº 1364

Le jeudi 17 juin 2004.

Y a plus de morale : un électeur anglais a osé mettre aux enchères sur le net son vote aux élections européennes. Tollé outre-manche ! Et nous voilà rassurés : tout ne peut pas s’acheter. Tout ou presque…

Les salariés rennais de l’usine ST Microelectronics connaissent la nuance, en lutte depuis des mois contre la fermeture de leur usine et sa délocalisation, décidées en septembre 2003. Les forces de l’ordre sont intervenues pour casser le piquet de grève afin de laisser libre place à la société de déménagement Bovis chargée de vider l’usine de ses machines. Plus de 250 personnes s’étaient rassemblées ce jeudi 10 juin afin d’entraver ce sale boulot. Les salariés de l’usine, des autres usines rennaises, des militants et des habitants n’ont pu que constater la détermination de l’État et ses sbires. En premier lieu, cette justice qui ne cesse d’avaliser les décisions prises par la direction de l’usine, quelle que soit la juridiction interpellée. Mais ne soyons pas naïfs : ce même État est partie prenante de cette affaire. Non seulement il est actionnaire de cette entreprise franco-italienne, mais en plus très généreux par le biais des aides publiques et des exonérations de charges. En définitive, l’État perd ses salariés, mais pas le nord.

Fin de l’histoire ? Un épisode de plus gagné par le patronat dans la série « mes profits augmentent, je jette mes salariés » ? Sûrement pas ! Mais c’est exactement ce qu’ils veulent nous faire croire. Les chiens de garde du Monde n’ont pas hésité à titrer leur article du 11 juin par : « Ultime baroud des salariés de ST Microelectronics contre la délocalisation ». Ce « déménagement » est pourtant loin d’être irrémédiable. Les salariés le savent bien, il est impossible de sortir de l’usine au pied levé le gros des machines, comme les cuves, qui nécessitent plusieurs mois de démontage. Cette opération commando n’avait comme principal but que de casser la résistance de ces personnes qui agissent pour ne plus être cette masse salariale qu’on malaxe au bon souhait du portefeuille. La mobilisation continue, plus de 600 personnes manifestaient à Rennes samedi dernier. D’autres actions sont prévues.

« Le sabotage est partout et en tout : dans l’industrie, dans le commerce, dans l’agriculture… partout ! partout ! Or, ce sabotage capitaliste qui imprègne la société actuelle, qui constitue l’élément dans le quel elle baigne — comme nous baignons dans l’oxygène de l’air — ce sabotage qui ne disparaîtra qu’avec elle, est bien autrement condamnable que le sabotage ouvrier. Celui-ci — il faut y insister ! — ne s’en prend qu’au capital, au coffre-fort, tandis que l’autre s’attaque à la vie humaine, ruine la santé, peuple les hôpitaux et les cimetières. » Dixit Émile Pouget.