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Europe : 0

foot : 1
Le jeudi 17 juin 2004.

Tandis que l’équipe de France de football rencontre l’équipe d’Angleterre (ou l’inverse, on a pas suivi), les commentateurs politiques se liquéfiaient sur les ondes radio : 43 % de participation… Une Berezina. Encore se retenaient-ils d’annoncer le taux d’abstention qui, on va vous surprendre, était de… 57 %. Soit la plus forte abstention enregistrée depuis la première élection des députés européens au suffrage universel. Ainsi, tandis que nous sommes plus que jamais soumis aux règles édictées dans les « bureaux de Bruxelles » (dixit Raffarin), tandis que se profile la ratification d’une constitution qui n’aura été ni débattue au niveau national, ni soumis à référendum, l’électeur, l’électrice, se détourne des urnes ?… Bande d’irresponsables !

Sur France Inter, pour ne pas citer la plus privée des radios de service public, un type, sorti d’on ne sait quelle grotte, expédia le sujet en deux phrases : mise à part celui qui l’emploie (faut bien cirer un peu), les médias français n’auraient, ces dernières semaines, parler que de football. Privés d’informations sur la nature réelle de l’enjeu de ces élections, l’électrice, l’électeur, auraient donc décidé de rester à la maison. Certes, ils y sont restés. Mais pas dans l’objectif de se préparer, bières et saucissons assurées, à la super-soirée foot. S’ils sont restés à la maison, c’est parce qu’ils ne voyaient pas l’intérêt de se déplacer pour voter pour des gens dont ils ne peuvent, à juste titre, imaginer qu’ils puissent les représenter à Strasbourg. Il est, au passage, dommage que ce bon sens ne joue pas pour les élections nationales, législatives, municipales, étant bien entendu que ni le conseil municipal, ni l’assemblée, ni à fortiori le locataire de l’Élysée ne saurait vous représenter. Cependant, 57 % c’est énorme. D’autant qu’il ne s’agit jamais (il est toujours bon de le rappeler) que de 57 % des inscrits. Un rapide calcul nous permet d’en conclure que les 43 % de votants ne représentent en fait que trente pour cent de la population, en comptant large. Moins d’un français sur trois aura donc décidé qui ira dormir à Strasbourg, sans qu’aucun n’ait la moindre possibilité de lui demander des comptes, de contrôler son mandat. On notera également que dans la plupart des autres pays européens, y compris les nouveaux entrants, l’abstention a été de même niveau. À croire que l’Europe économique, sans projet social ni projet politique n’intéresse pas grand monde…

Ce constat n’empêche pas nos petits roquets nationaux de japper à la victoire (François Hollande, pour le PS, avec 30 %), de couiner au succès (l’UMP, avec 16 %), de grogner pour gagner sa place dans la niche (l’UDF, avec 12 %). Et chacun de s’entendre pour passer sous silence le score d’une extrême droite qui, pour paraître « plurielle », obtiendrait tout de même 18,6 % (Le Pen + Mégret + De Villiers + Pasqua). 18,6 %, ce n’est pas rien. Mais ce résultat là ne sera pas commenté, comme si il était négligeable.

Pendant ce temps, l’Angleterre marque. 1 à 0. Suspens. L’électeur, en cette chaude soirée de juin, pour quelle Europe vibre t-il ? Celle du foot assurément. Zidane sauve, paraît-il, l’honneur d’un pays où la gauche se contente d’un score qui fera patienter, croit-elle, la population jusqu’aux prochaines élections, sur l’air d’attendez voir et vous verrez ce que vous verrez. Quoi ? Mais l’alternance, comme d’hab’ ! D’un pays où les partisans du grand saut en arrière (UMP et UDF) font près de 30 %. D’un pays où tout roule, en somme, comme un ballon rond.

Fred