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« Les Républicains espagnols »

de José Cubero
Le jeudi 17 juin 2004.

Depuis quelques années, de nombreux livres sont parus sur l’arrivée massive en France des Espagnols en 1939, notamment L’Exil des républicains espagnols en France de Geneviève Dreyfus-Armand, Camps du mépris : des chemins de l’exil à ceux de la Résistance, 1939-1945, de René Grando, Jacques Queralt et Xavier Febres.

José Cubero, agrégé d’histoire et fils de réfugiés du Pays Basque, décrit lui aussi dans Les Républicains espagnols, la Retirada, exil de ces 500 000 personnes (hommes, femmes, enfants) qui franchirent les Pyrénées pour fuir la victoire des nationalistes. La France, cette terre de liberté, leur ouvrit largement les bras avec les camps de concentration d’Argelès, du Vernet, de Gurs, de Saint-Cyprien…

En 1939, le Front populaire a vécu. Cet afflux massif de réfugiés qu’aucune autorité n’a prévu, s’avéra difficile à gérer, à nourrir, à loger. On sépara les femmes et les enfants de leur famille. Pour tous, les camps s’ouvrirent dans des conditions plus ou moins sommaires, sans hygiène, mais avec triple réseau de barbelés [1]. Après un marchandage économique avec les vainqueurs franquistes, le retour en Espagne fut proposé aux exilés : les autorités françaises s’efforcèrent, avec le même zèle que Papon plus tard, de remplir ces convois de retour, sans trop de réussite, heureusement.

José Cubero produit d’ailleurs quelques extraits de lettres où les parents d’exilés les prévenaient à mots couverts de ne pas retourner en Espagne. Par exemple, ils leur écrivaient que « l’entreprise de la rue Tartempion peut t’embaucher », la seule entreprise de la rue étant le cimetière.

La mobilisation militaire due à la guerre avec l’Allemagne fit que les camps se vidèrent petit à petit : les fermiers, les industriels vinrent chercher de la main-d’œuvre bon marché pour remplacer leurs employés conscrits. L’État lui-même créa les chantiers de compagnies puis groupements de travailleurs étrangers (CTE et GTE) pour ses grands chantiers (barrages, routes, etc.).

La débâcle française, l’éclatement de la France entre zone occupée et zone dite libre (France du Sud et colonies) fit que l’engagement des exilés — vu comme la suite de leurs combats précédents — dans la lutte contre le nazisme, fut divers. Certains exilés, à partir souvent des GTE, rejoignirent les maquis intérieurs, d’autres les Forces françaises libres, notamment l’armée du général Leclerc. Ainsi ce livre rappelle que les premiers engins motorisés à rentrer dans Paris libéré portaient des noms espagnols et appartenaient au régiment de marche du Tchad dont la 9e compagnie, la Nueve, était essentiellement composée de volontaires espagnols. Est également mentionné le bataillon Libertad, composé d’une majorité d’Espagnols, qui participa à la libération de la poche de Royan.

L’auteur aborde sans complaisance la liquidation des exilés espagnols par les staliniens [2], la tragique reconquête républicaine à partir du val d’Aran entreprise par l’UNE, cache-sexe du PCE. En revanche, ne sont guère évoquées les guérillas qui marquèrent l’Espagne jusqu’aux années 1970 [3].

Cubero rappelle cependant la livraison, scandaleuse pour la solidarité prolétarienne, de charbon par les communistes polonais à l’Espagne lors d’une grève dure des mineurs espagnols dans les années 1960. Ces années virent l’Espagne rejoindre le camp des alliés de la démocratie made in USA.

En septembre 1975, Franco meurt dans son lit. Ce sera l’heure de la transition démocratique et du retour au pays.

On peut se demander, d’ailleurs, quand Léo Ferré criait « patiencia » pour les exilés espagnols dans Le Flamenco de Paris, s’il pouvait penser que certains attendraient vingt-sept ans pour pouvoir fouler à nouveau leur sol natal.

Pour conclure, Les Républicains espagnols est un bon premier livre pour tous ceux qui veulent en connaître un peu plus sur la Retirada.

Jimma


José Cubero, Les Républicains espagnols, éditions Cairn, 25 euros.


[1Un site Internet philatélique intéressant sur les camps http://www.apra.asso.fr/Camps/Accueil-Camps.html

[2Lire Les Dossiers noirs d’une certaine Résistance : trajectoire du fascisme rouge, CES, Perpignan, 1984.

[3Lire Sabaté. La Guérilla urbaine en Espagne 1945-1960, Repères Silena, disponible à Publico.