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Avec des fleurs !

Le jeudi 17 juin 2004.

La rubrique philatélie du journal Le Monde, daté du samedi 5 juin 2004, nous apprend que La Poste a émis un timbre à l’occasion du 60e anniversaire du débarquement des troupes alliées en Normandie. Représentant une femme accueillant les libérateurs avec un bouquet de fleurs, ce timbre est tout à fait dans le ton de la surmédiatisation conférée à cet événement et du consensus « politiquement correct » qui l’entoure.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes (des collectionneurs) si, dans les pages Horizons-Débats du même journal, l’article d’Alain Moreau intitulé « L’histoire cachée de certains libérateurs » ne mettait en lumière des événements précisément cachés, à savoir les 17 000 viols commis par les GIs américains en Europe entre 1944 et 1945 !

Après les révélations des sévices dans les prisons irakiennes commis par les descendants de ces valeureux GIs, le rappel de ces ignominies est brutal : à celles et à ceux qui l’auraient oublié, il y a toujours des histoires de sang, de sperme et d’humiliation qui se terrent à l’ombre des « heures de gloire » des armées (libératrices ou pas, d’ailleurs). Des faits qui attestent une fois encore, si besoin est, qu’armée rime avec barbarie, dont les premières victimes sont systématiquement les femmes.

Dans un registre similaire, les scènes de la Libération, avec ses ignobles défilés de femmes dévêtues, tondues et livrées à la vindicte d’une population pour une bonne part fraîchement acquise aux idéaux de la Résistance, nous reviennent en mémoire. Quelle qu’en soit la justification, la guerre sera toujours une belle connerie. Certes, la soldatesque américaine n’a pas l’apanage de ces tristes exploits guerriers.

Alain Moreau, se référant aux travaux de J. Robert Lilly, professeur de sociologie et de criminologie à la Northern Kentucky University aux États-Unis — dont l’ouvrage La Face cachée des GIs, éditions Payot, n’est toujours pas publié aux États-Unis pour cause de… guerre en Irak — cite ainsi les milliers d’Italiennes violées par des soldats français au cours de la campagne d’Italie, les centaines de milliers de femmes victimes des exactions des soldats de l’Armée rouge en Allemagne.

à une époque où les puissants de ce monde tentent de nous faire accroire que les guerres ne tuent plus, qu’elles sont propres et que les massacres de civils ne sont que de regrettables dégâts collatéraux, on en viendrait presque à oublier que l’armée est et demeure une entreprise criminelle. Et ce ne sont pas quelques condamnations de-ci de-là prononcées à grand renfort de publicité et d’actes de contrition qui en changeront la nature.

Alors, le timbre avec les fleurs, vous pensez bien…

Bernard Hennequin