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La prison à domicile

Le jeudi 17 avril 1997.

Un projet de loi a été adopté le 25 mars à l’Assemblée nationale sur le bracelet électronique aussi appelé « prison à domicile ».

Il s’agit d’un bracelet connecté à un recepteur-émetteur placé chez le condamné et lui-même relié à un ordinateur, cela permettant à l’administration de surveiller un détenu qui aura le « loisir » de se déplacer dans un rayon de quarante-cinq mètres, chez lui, et pendant les heures assignées par le juge. Bien entendu, toute sortie du périmètre équivaut à une évasion.

Ce système est déjà appliqué aux États-Unis, au Canada (Colombie britannique), en Suède et depuis peu aux Pays-Bas. En réalité, on peut dire qu’en Europe, cette pratique est encore expérimentale ; elle ne concerne qu’un petit nombre de prévenus (Pays-Bas : 166, Suède : 55). Ces prévenus sont essentiellement des « petits délinquants », en Suède, ce sont des coupables d’alcoolémie au volant. Le but de cette loi est de désengorger les prisons françaises surchargées à 120 %, soit 59 000 détenus pour 49 000 places.

Comme un changement radical de société n’est pas à l’ordre du jour dans les projets gouvernementaux, ou plus simplement une politique ambitieuse de prévention et d’assistance médicale pour la toxicomanie ou l’alcoolisme, les sphères du pouvoir prévoient de condamner différemment, mais toujours condamner, et peut-être plus.

Les auteurs du projet de loi ne se placent donc pas dans une perspective de baisse de la criminalité. Ce qui les préoccupent, ultralibéralisme oblige, est d’obtenir une faible augmentation des coûts de la répression, voir une baisse. Or, cette nouvelle méthode reviendrait cinq fois moins cher que l’emprisonnement classique.

La presse a peu fait écho des débats sur ce sujet, et pour cause, peu de politiciens se sont prononcés contre ce projet, les rares critiques sont restées « molles ». Nos chers députés de la gauche, PC-PS, se sont abstenus lors du vote. Julien Dray (gauche socialiste) a cité les déclarations du patron Loïc le Floch Prigent traumatisé par son séjour en prison. En même temps qu’il dénonçait le peu d’humanité dans le système carcéral, il s’inquiétait que ce système ne s’applique qu’aux délits financiers.

Seul Hage, député communiste, a fait un rapprochement avec le boulet du forçat. Pour la droite parlementaire, le bracelet électronique est un moyen de « sauvegarder la dignité de l’individu », pour Toubon, c’est « une peine de l’an 2000 » !

Cyrille Gallion