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À la petite semaine

Cocu et consentant

Le jeudi 1er mai 1997.

Il est des sondages qui, rapidement considérés, réconcilieraient presque avec les Français. Quatre-vingt pour cent d’entre eux, en âge de voter, estiment en effet que la récente dissolution de l’Assemblée et les élections qui suivront ne sont en réalité que grossière manœuvre politique de la part d’un gouvernement essouflé.

S’enthousiasmer pour ce qui apparaît ici comme un solide bon sens retrouvé serait toutefois déplacé, dans la mesure où une confortable majorité de ces mêmes sondés, quelques jours avant cette dissolution, s’y montraient favorable, approuvant par avance une décision qu’elle s’empressait aussitôt de déconsidérer.

Faut-il en vérité s’étonner qu’une mesure soit ainsi qualifiée d’évidente combine par ceux-là même qui prétendent la souhaiter, et dénoncer à travers cette apparente contradiction une formidable manipulation de l’opinion ?

Rien n’est moins sûr ! Car l’électeur, individu dépossédé, est ainsi fait que, même réveillé par une lueur soudaine de lucidité, momentanément lassé de jouer sans discontinuer le rôle peu reluisant de l’éternelle dupe, soudain conscient d’être le jouet dérisoire des isoloirs au profit d’une coterie occupée à assurer sa pérennité, jamais ne renoncera à ce qu’il sait parfois être sa dérisoire et inutile « liberté » ; choisir, à travers son élu, celui qui demain le fera cocu.

Comme la prière, étouffoir de la raison, cette attitude relève de l’irrationnel et de l’incantation, préférant le doux ronron des urnes et la douce prison des élections, cercueils de médiocres illusions, à l’aventure de la liberté d’individus enfin responsabilisés.

Floréal