Accueil > Archives > 1997 (nº 1065 à 1104) > 1083 (8-14 mai 1997) marqué 7-14 mai > [Bain de poule à Saint-Michel]

Bordeaux

Bain de poule à Saint-Michel

Le jeudi 8 mai 1997.

Le bruit avait couru depuis deux jours dans le quartier Saint-Michel : Juppé venait au Bar-tabac. Ce bar est le lieu où beaucoup d’habitants du quartier viennent discuter autour d’un verre. Saint-Michel reste l’un des derniers quartiers populaires de Bordeaux, stigmatisé par la mairie comme dangereux et mal famé. Beaucoup de communautés étrangères y vivent en parfaite harmonie. Beaucoup de militants, anarchistes et autres, y habitent, trouvant cet endroit convivial, solidaire et chaleureux. Il y existe une tradition de résistance, et on a notamment pu y voir une grande mobilisation lors du mouvement de novembre-décembre 1995.

Certains habitants avaient fait circuler une pétition contre la venue des CRS dans le quartier ; patrouilles et contrôles se font de manière systématique depuis un mois et demi.

300 personnes attendaient Juppé en ce soir du 2 mai. Tous les sbires du maire de Bordeaux étaient présents, collaborateurs d’un Bordeaux propre et sécuritaire. Les jeunes requins de droite en costume gris faisaient grise mine en traversant une foule colorée et festive. Du genre, « Tiens, la gauche dégénérée, ça ressemble à ça ! » Des jeunes étudiants aux cheveux vert et orange, des ouvriers, des chômeurs, des cheveux longs en sandalettes, des mères de famille, des enfants gouailleurs, bref, le peuple était là pour défendre un quartier et s’opposer à la politique libérale et sécuritaire de Monsieur le maire.

Juppé est arrivé sous les huées de la foule, le sourire cynique, arrogant derrière ses gorilles qui semblaient un tantinet plus inquiets. En grand seigneur, Alain Juppé s’est enfermé dans la cave du bar-tabac, pour goûter quelques tapas à la graisse d’oie tout en recevant les doléances de manants triés sur le volet. Après de longues négociations avec le service d’ordre, la délégation des habitants du quartier a pu présenter les pétitions. Ces dernières sont restées sans réponse…

Plif plaf plof !.. Il est ressorti sous une pluie d’œufs et de tomates. Les sbires de la mairie étaient surpris, les policiers heurtés, et Juppé s’est pris trois œufs en pleine poire. Saint-Michel ne lui disait pas merci. L’arrogance dans la poche et le sourire éteint, Juppé a couru se réfugier dans sa belle voiture. Et oui, la droite est peut-être un peu partout dans certains quartiers de Bordeaux, mais Saint-Michel n’est ni accueillant ni chaleureux envers les réactionnaires de tout poil. Et c’est le sourire aux lèvres que les irréductibles Saint-Michelois sont partis festoyer au son des tam-tams africains.

Groupe Emma Goldman (Bordeaux)