Vous êtes travailleur dans une entreprise de sidérurgie. Un beau jour, on vous annonce un plan de « reconversion » drastique : fermeture d’une ligne et licenciement de plus de la moitié du personnel. Vous êtes syndiqué et, comme tel, vous suivez votre délégation qui propose la grève. Celle-ci est adoptée à l’unanimité et prend cours le jour même. Le lendemain, vous attrapez la grippe. Bien au chaud dans votre lit, vous suivez le journal télévisé. Vous apprenez que le patron a fait appel à la gendarmerie, via une décision en référé du tribunal, pour « dégager l’usine et permettre le droit au travail » (sic). Inévitablement, des incidents éclatent. On relève plusieurs blessés tant chez les travailleurs que chez les gendarmes. Mais sans gravité.
Le lendemain matin, à l’aube, vers six heures, un commando de la gendarmerie défonce votre porte, investit votre maison, retourne tout sur son passage, bouscule votre femme et vos enfants sans ménagement, vous tombe dessus mitraillette au poing et vous embarque manu militari sans vous laisser le temps de vous habiller. Vous vous retrouvez dans un panier à salade, en pyjama, sans explication. Au passage, les gendarmes vous tabassent et vous insultent. Enfin, vous êtes conduit dans une cellule miteuse dans les caves d’une quelconque caserne. Vous subissez une fouille corporelle humiliante et quelques coups supplémentaires au passage, puis on vous jette dans la cellule qui n’a ni fenêtre ni W.C, ni lit. Sous le choc, vous vous dites que c’est un cauchemar, que vous allez vous réveiller. Mais non, il s’agit bien de la réalité, vous êtes un criminel.
Fiction, hélas non ! Notre prétendu chevalier blanc de la justice, Stéfan De Clerk, au nom de la nouvelle culture politique (re-sic), nous a concocté une de ces lois qui nous ramène près de soixante ans en arrière. En effet, sous son impulsion, la Chambre des représentants a adopté, le 5 juin dernier, un projet de loi relatif aux « organisations criminelles ». Il faut bien le dire, le texte est si large que n’importe quelle organisation et n’importe quelle personne simplement soupçonnée d’en faire partie sont susceptibles d’être poursuivis !
Les terroristes sont partout ?
Par exemple, le texte parle de « détourner le fonctionnement d’autorités publiques ou d’entreprises publiques ou privées ». Or, une grève, une occupation, un combat pour modifier une loi entrent dans ce cadre ! Ce texte, voté à la Chambre en quatrième vitesse, doit encore être examiné par le Sénat au début du mois de septembre. Il faut tout faire pour le supprimer ! En effet, sur la base de cet article 342, les forces de police, et plus particulièrement la gendarmerie, pourront, sur simple « suspicion », interpeller, perquisitionner, mettre en garde à vue, ficher, surveiller n’importe quel citoyen, n’importe quelle association.
Il s’agit là d’un véritable coup de force étatique contre les « libertés » garanties par la Constitution ! Tous les abus, tous les arbitraires seront permis, d’autant que l’exposé des motifs (qui fait dix pages) est des plus explicites et va jusqu’à permettre la condamnation d’un avocat de la défense d’un citoyen membre d’une « organisation criminelle ». On se rappellera l’affaire Klaus Croissant qui avait défrayé la chronique dans les années 70, lorsque l’État allemand n’avait pas hésité à emprisonner plusieurs des avocats de la Fraction armée rouge, au nom de leur « complicité » avec les « terroristes » !
Une telle violation des droits d’association, des droits syndicaux et politiques, du droit à la vie privée et du droit à la défense est inadmissible. Dès lors, nous devons forcer le Sénat à rejeter ce projet de loi scélérate. Alternative libertaire compte bien jeter toutes ses forces dans cette bagarre, en accord avec toutes les associations et tous les citoyens conscients de cette nécessité.
En juin déjà, un Appel contre l’article 342 avait, avec l’appui de la Ligue des droits de l’homme, interpellé la presse. Mais la période des vacances ne lui a pas encore donné l’ampleur qu’il mérite. Aussi, nous relançons cet appel afin d’aboutir à la rentrée à une campagne dont le seul objectif sera l’abrogation sans conditions de ce projet.
Groupe Alternative libertaire (Bruxelles)