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Intermittents

Aujourd’hui sur le toit du Medef… Demain ?

juillet 2004.

Trois jours sur le toit du Medef et trois ans de luttes, pour quels acquis ?



Les intermittents du spectacle ouvrent « la saison d’été », par l’occupation du toit du Medef à l’issue des négociations pour la revalorisation des allocations chômage (moins de 2 %). Le nouveau slogan « Nous sommes les experts », déployé sur la banderole du toit d’où les intermittents dialoguent avec la foule, indique le tournant de la lutte : durcissement tranquille. Les intermittents de la CPIF réclament l’abrogation de la réforme et une table ronde entre partenaires sociaux, gouvernement et Medef ainsi que l’accès aux données de l’Unedic pour une expertise indépendante.

Des actions d’information et de rencontres s’organisent pour les festivals. Rien n’est en effet réglé sur le fond, bien que plusieurs résultats encourageants aient été obtenus. Plus personne ne croit à la viabilité de la réforme. Il a fallu pallier d’urgence, par un fonds de secours, ses effets nuisibles : 26 500 exclus, dont 14 700 imputables aux nouvelles mesures, sont repêchés.

Cette année n’était que la première étape du plan global. De fait, la réforme n’a pas été appliquée. Ce n’est pas encore une victoire, mais une nette avancée. Les pouvoirs publics et les intermittents eux-mêmes ont pris conscience de la force économique qu’ils représentent : l’annulation des festivals, aussi douloureuse fût-elle, marque un tournant dans l’histoire du spectacle.

Pourquoi les intermittents occupaient-ils le toit du Medef et prévoient-ils une présence militante dans les festivals ? La durée d’indemnité est toujours réduite de douze à huit mois. Encore aujourd’hui, tous les intermittents ne sont pas tirés d’affaire. Le sort des malades n’est pas entièrement réglé. On a coutume de dire que les intermittents du spectacle « ne tombent jamais malades et meurent dès qu’ils sont à la retraite » ; les caisses du spectacle sont excédentaires. Aussi les syndicats demandent-ils que les excédents soient pris en compte pour le calcul global du déficit interprofessionnel imputé aux intermittents du spectacle. Pourquoi ces excédents ?

Les intermittents du spectacle tombent-ils, foudroyés, à l’annonce de leur retraite ? Nombre d’intermittents, abandonnent à 35 ans, car on leur préfère de plus jeunes, plus malléables… Ceux qui restent ont rarement, à l’âge de la retraite, effectué le nombre de trimestres suffisant pour une retraite complète. Quant aux malades… Ils attendent la fin de leur contrat pour se soigner.

Nombre de contrats sont très courts ; aussi, sauf urgence, on ne se met pas en congé-maladie sur deux jours de travail. Quant aux contrats longs, un membre de l’équipe abandonnant un film en cours mettrait l’œuvre en danger : la création est un travail d’équipe, il doit y avoir cohésion artistique. Aussi les intermittents du spectacle détiennent-ils le record de l’absentéisme minimal.

Les heures de congés étaient donc prises en compte pour le calcul des droits, même si le congé n’interrompait pas un contrat. Or cette année, entre autres turpitudes, une profession dont la survie repose sur la solidarité découvrait, atterrée, que les femmes enceintes et les malades étaient exclus du système. Point n’est besoin d’invoquer les théories de l’entraide de Kropotkine pour voir que la survie de l’espèce est en jeu : « On n’a même plus le droit de se reproduire », constatait une intermittente enceinte.

Suite au bras de fer de Cannes, les femmes enceintes sont tirées d’affaire. Les malades sont repêchés, s’ils ont eu un congé de trois mois consécutifs. Or certaines maladies « professionnelles » occasionnent plusieurs mois de congé, souvent non consécutifs. Ainsi en est-il des problèmes de dos, un classique des équipes de tournage ! Un exemple « ordinaire » : machiniste à ses débuts, un de nos camarades a eu de ce fait la colonne vertébrale endommagée. Devenu assistant, il doit parfois partir en arrêt maladie. Cette année, il a subi plusieurs hospitalisations, et le film sur lequel il travaillait est retardé. Avec le nouveau calcul, seules ses 200 heures de travail comptent (selon l’ancien système, 120 jours d’arrêt 720 heures + 200 heures soit 920 heures.)

Et ce n’est que la première phase d’application de la réforme ! Ses effets néfastes sont démontrés, mais pour cette année partiellement suspendus. Reste à « sauver » les dernières victimes, à obtenir un régime cohérent et une réforme de fond du financement de la culture. Tout un programme !

Michèle Rollin


Premier rendez-vous : manifestation à Avignon le 9 juillet.
Pour la suite contacter :

    • CPIF : cpif-idf.org 01 40 34 59 74
    • CGT audiovisuel : 01 42 00 48 49
    • Spec 01 53 25 09 09
    • Spectacle vivant-FO : 01 47 42 33 75.

Recette de l’été


Prenez une grenouille, placez-la dans une marmite remplie d’eau froide. Faites chauffer le tout. Notre grenouille voyagera du pôle Nord aux eaux tropicales pour finir ébouillantée, sans s’en rendre compte. Il ne vous reste plus qu’à la déguster.

Prenez maintenant une autre de ses congénères, et cette fois-ci, tentez de la soumettre directement aux délices de l’eau bouillante. Ni une, ni deux, d’un bond, elle fuira le destin auquel vous la promettiez.

De tout temps, le pouvoir, en intermittence ou non, a su faire son beurre de cette leçon de choses. C’est clair…